Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS.

A ce moment, on fit paraître des

flacons

d'eau-de-vie, et d'autres

choses propres à se bien réjouir. Les Espagnols, qui observaient la contenance des boucaniers, crurent qu'ils les tenaient déjà, s'imaginant qu'ils ne campaient de cette sorte que pour se régaler. Ils jugèrent à propos de leur donner tout le temps de s'accabler d'eau-de-vie, c o m m e les b o u c a niers ont coutume de faire quand ils en ont à souhait, et cela dans le dessein de les surprendre quand ils seraient ivres, et de les vaincre sans peine. Et pour tromper mieux encore les boucaniers, ils se dérobèrent à leurs yeux, et quittèrent le haut de la colline p o u r descendre dans le vallon. Cependant, le boucanier qui était l'auteur du stratagème le fit savoir de main en main à ses camarades, envoya secrètement avertir les autres boucaniers de l'état où étaient les siens, et les pria de les venir secourir, mais surtout de se cacher dans les b o i s ; néanmoins de peur de surprise, il fit observer les Espagnols. Sur la brune, les boucaniers quittèrent secrètement leurs tentes, et passèrent sans bruit dans les bois, où ils trouvèrent ceux qu'ils avaient mandés, bien armés, et prêts à combattre, aussi bien que leurs engagés, qu'ils avaient amenés avec eux. Monbars mourait d'impatience de voir les Espagnols, et s'imaginait qu'ils ne viendraient jamais. Ceux-ci cependant attendaient le plus longtemps possible, se figurant que plus ils attendraient, plus ils trouveraient les boucaniers plongés dans la débauche, et que, les trouvant ivres morts, ils n'auraient plus qu'à les ensevelir sous leurs tentes. A la pointe du j o u r , on aperçut qu'ils faisaient quelque mouvement. Peu de temps après, on les vit descendre en b o n ordre de la même colline où ils avaient paru la première fois, quelques Indiens à leur tête, en manière d'enfants perdus. Les boucaniers les attendaient de pied ferme, et bien postés: ils ne pouvaient être vus, mais ils avaient l'œil attentif à tous les mouvements de

leurs ennemis. C o m m e

ils

avaient eu la précaution de dresser leurs tentes fort éloignées les unes des autres, cette ruse obligea les Espagnols à diviser leur cavalerie par petits escadrons, et à fondre séparément sur chacune des tentes où ils croyaient trouver les boucaniers, qui les surprirent étrangement en sor-


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