Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

Page 321

MONBARS L'EXTERMINATEUR.

313

mandait s'il était espagnol. Il en parut un de cette nation; son oncle lui fit donner la chasse, et en approcha d'assez

près p o u r

s'apercevoir

q u ' o n se disposait à mettre le feu au canon. C o m m e il craignait que son neveu ne s'exposât inconsidérément, il le fit enfermer, et essuya le c a non des ennemis, qui, par bonheur, ne lui fit pas grand mal. Il joignit ensuite le vaisseau espagnol, et o n en vint à l'abordage. Alors on lâcha le jeune Monbars, qui fondit le sabre à la main sur les ennemis, se fit j o u r au milieu d'eux, et, suivi de quelques-uns que sa valeur animait, passa deux fois d'un bout à l'autre du vaisseau, renversa tout ce qui se trouva sur son passage, et ne cessa de combattre que lorsqu'on fut maître du vaisseau. Ce bâtiment était richement chargé. On y trouva trente mille balles de toile de coton, des tapis velus, et d'autres ouvrages des Indes de grande valeur, deux mille balles de soie reprise, deux mille petites barriques d'encens, mille de clous de girofle; enfin une cassette remplie de diamants bruts, dont quelques-uns paraissaient de la grosseur d'un bouton c o m m u n .

Elle était garnie de plusieurs barres de fer, et

fermée à quatre ferrures. Pendant que les autres considéraient avec plaisir les richesses qui leur tombaient entre les mains, Monbars se réjouissait à la vue du grand n o m b r e d'Espagnols qu'il voyait sans v i e ; car il ne ressemblait pas à ceux qui ne combattent que pour le b u t i n : il ne hasardait sa vie que pour la gloire, et pour punir les Espagnols de leur cruauté. Je m e souviens de l'avoir vu en passant aux Honduras. Il était vif, alerte, et plein de feu, c o m m e sont tous les Gascons. Il avait la taille haute, droite et ferme, l'air grand, noble et martial, le teint basané. Pour ses yeux, on n'en saurait dire ni la forme, ni la c o u l e u r : ses sourcils noirs et épais se joignaient en arcade, et les couvraient presque entièrement, de sorte qu'ils paraissaient cachés c o m m e sous

une

voûte

obscure. On voit bien qu'un h o m m e fait de cette sorte ne peut être que terrible. Aussi dit-on que, dans le combat, il commençait à vaincre par la terreur de ses regards, et qu'il achevait par la force de son bras. Malgré la fureur du carnage, on épargna les matelots dont on avait besoin, et quelques officiers, parce qu'ils n'étaient pas Espagnols. Ils donnèrent avis que le vaisseau q u ' o n venait de prendre était suivi de


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.