Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE

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DES

AVENTURIERS,

mémoire, que selon le temps qu'elles sont arrivées. J'écris

celle-ci

moins pour la rareté du fait, que pour la singularité de l'aventure qui y a donné lieu. Un j o u r que Monbars était en mer, il se vit obligé de descendre à terre pour les besoins de son vaisseau, et fut bien surpris de trouver des Espagnols dans un lieu où l'on n'en devait point rencontrer. Ils marchaient en bon ordre, et bien armés, dans une plaine assez éloignée de l'endroit où étaient les aventuriers. Monbars, craignant qu'ils ne prissent la fuite s'ils voyaient tout son

m o n d e , ne fit paraître que quelques

Indiens qui ne l'abandonnaient point, parce qu'ils l'aimaient, et qu'il les aimait aussi. Les Espagnols ne manquèrent pas de se jeter sur ce petit groupe d'Indiens, qui s'étaient avancés exprès p o u r les faire

donner

dans l'embuscade. Monbars, qui observait les ennemis, fondit sur eux et ne leur fit point de quartier. A l'heure m ê m e , il avança dans le pays, où il trouva beaucoup de choses nécessaires à la vie, dont il munit son vaisseau. Après cette expédition, les aventuriers se rembarquèrent, toujours étonnés d'avoir rencontré là des ennemis ; et ils avaient certes raison de l'être, car les Espagnols n'y étaient venus que par une aventure extraordinaire, c o m m e on le va voir par ce qui suit. Les Espagnols montaient une barque remplie de nègres, qui allaient commercer à leur ordinaire. Ces nègres étaient tous d'intelligence et, dans le dessein de se sauver,

ils trouvèrent le m o y e n

de

percer la

barque en plusieurs endroits, ils avaient aussi des tampons faits exprès, qu'ils mettaient et qu'ils ôtaient selon qu'ils voulaient ouvrir ou aveugler les voies d'eau ; et ils faisaient cette manœuvre si adroitement q u ' o n ne pouvait en apercevoir rien. Un j o u r que les Espagnols s'entretenaient assez tranquillement, c o m m e ils ont coutume de faire à cause de leur humeur flegmatique, l'eau, survenant tout à c o u p , les obligea d'interrompre leur entretien, et de c o u rir partout pour retirer des bardes que l'eau gâtait considérablement. Les nègres qui avaient causé le désordre s'empressèrent c o m m e à l'envi pour l'arrêter, et y réussirent si bien que les Espagnols admirèrent leur promptitude et leur adresse. Ce fut là le premier essai de leur ruse, et ils résolurent de la mettre en pratique jusqu'à ce qu'ils eussent trouvé


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