Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS,

puits avant que la mer, qui l'aurait salée, ne fût haute. G o m m e ces femmes s'étaient levées plus matin qu'à l'ordinaire, pour aller à l'eau, une d'entr'elles demeura derrière et s'amusa à cueillir et à manger de petits fruits qui croissent au bord de la mer. Cette femme, étant baissée, vit, à vingt-cinq pas d'elle, sortir du chemin m ê m e par où étaient parties ses compagnes, quelques Indiens qui venaient à elle. Aussitôt, elle courut vers n o u s , et c r i a : « Voilà des Indiens ! » A l'instant, nous prîmes nos armes et courûmes du côté où elle les avait vus, et nous trouvâmes nos trois femmes esclaves par terre, percées chacune de quatorze ou quinze flèches dans plusieurs parties de leurs c o r p s ; en sorte qu'elles ne donnèrent pas le moindre signe de vie, quoique le sang coulât encore de leurs blessures. Nous allâmes dans le bois plus d'un quart de lieue sans rien découv r i r ; nous ne distinguâmes pas même une trace d ' h o m m e ,

quoique

nous fussions bien assurés que ceux-ci s'étaient sauvés par le chemin que nous prenions. Nous fûmes curieux de voir comment ces flèches étaient faites, et nous les retirâmes du corps de ces femmes. Nous trouvâmes qu'elles n'avaient aucune pointe de fer ou d'autre métal, qu'elles étaient même faites sans le secours d'aucun instrument. Elles avaient cinq ou six pieds de long, la verge était de bois commun du pays, de la grosseur du doigt, bien arrondie, et pliante. A l'un des bouts, on voyait une pierre à feu fort tranchante, enchâssée dans le bout même avec un petit croc de bois en façon de harpon. T o u t cela était lié avec un fil d'archal, et avec tant de force, q u ' o n pouvait darder ces flèches

contre les corps les plus durs sans pouvoir rien r o m p r e ; la

pierre aurait plutôt cassé que de quitter le bois. L'autre bout était pointu. Il y en avait quelques-unes de bois de palmiste, curieusement travaillées, et peintes en rouge, à un bout desquelles on voyait une pierre à feu, c o m m e j'ai dit, et à l'autre, un petit morceau de bois creux de la longueur d'un pied, où étaient renfermés de petits cailloux ronds, qui faisaient du bruit ensemble lorsqu'on remuait la

flèche.

Ces Indiens

avaient eu la subtilité de mettre des feuilles d'arbre dans ce bois, afin d'empêcher ce bruit des petits cailloux, qu'ils emploient, j e crois, pour


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