Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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LES

SINGES.

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prennent tous par la tête et par la queue, et forment ainsi une espèce de chaîne. Par ce m o y e n , ils se donnent le mouvement et le branle nécessaires, ils s'élancent et se jettent en avant; le premier, secondé de la force des autres, atteint où il veut, s'attache fortement au tronc d'un arbre, aide, attire et soutient tout le reste, jusqu'à ce qu'ils soient tous au lieu où est arrivé le premier. A la vérité, j e n'ai jamais vu ceci, et j'ai peine à le c r o i r e ; cependant, j'ai observé qu'on voit

un grand nombre de

singes tantôt sur

un

rivage, tantôt sur un autre, et la preuve que ce sont les mêmes, c'est que du côté où on les a vus cinq ou six heures auparavant, on ne les y voit ni on ne les y entend plus, ce qui semble confirmer ce que j e viens de dire, puisqu'on a coutume de les entendre crier d'une grande lieue. On trouve encore dans ce pays, et tout le long de cette côte jusque dans les Honduras, une espèce de singes que les Français

nomment

paresseux, parce qu'ils demeurent sur un arbre tant qu'il y a une feuille à m a n g e r ; ils sont plus d'une heure à faire un pas et, en levant les pattes pour se remuer, ils crient d'une telle force qu'ils percent les oreilles. Ils sont hideux et fort m a i g r e s : excepté cela, ils ne sont point différents des autres. Il faut sans doute que ces animaux soient sujets à certain mal des jointures, c o m m e la goutte, ou quelque autre i n c o m modité, car, si on en prend plusieurs, et q u ' o n les nourrisse bien, ils sont toujours les m ê m e s :

ils mangent peu, et demeurent

toujours

secs et arides. Les jeunes sont aussi i n c o m m o d é s que les vieux; lorsqu'on les peut atteindre, on les prend facilement avec les mains, sans qu'ils fassent autre chose que de crier. Tous les singes de ce pays vivent de fruits, de fleurs, cl de quelques insectes qu'ils attrapent de côté et d'autre. Nous avions déjà séjourné huit jours dans cette baie et nous y serions demeurés plus longtemps, sans l'accident qui nous arriva. Un matin, à la pointe du j o u r , nos chasseurs et nos pêcheurs étaient prêts à partir et chacun de nous à remplir sa f o n c t i o n : nos esclaves brûlaient des coquillages pour faire de la chaux, au lieu d'arcanson, qui est une espèce de poix, afin de raccommoder notre bâtiment; les femmes étaient occupées à remplir nos futailles d'eau, qu'elles allaient tirer tous les j o u r s aux


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