Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS,

d'arbre en arbre si subtilement, que cela éblouit la vue. J'ai vu encore qu'ils se jetaient à corps perdu de branche en branche, sans jamais tomber à t e r r e ; car, avant qu'ils puissent être à bas, ils s'accrochent avec les pattes ou avec la queue, ce qui fait que quand on les tire à coups de fusil, à moins q u ' o n ne les tue tout à fait, on ne peut les a v o i r : car lorsqu'ils sont blessés, même mortellement, ils demeurent

toujours

accrochés aux arbres, ils y meurent, et ils n'en tombent que par pièces. J'en ai vu de morts depuis plus de quatre j o u r s , qui pendaient encore aux arbres; on en tirait quinze ou seize pour en avoir trois ou quatre. Mais ce qui me paraît le plus singulier, c'est qu'au moment où l'un d'eux est blessé, on voit les autres s'assembler autour de lui, mettre leurs doigts dans la plaie et faire la même chose que s'ils voulaient la sonder. Alors, s'ils voient couler beaucoup de sang, ils la tiennent fermée pendant que d'autres apportent quelques feuilles qu'ils mâchent, et qu'ils poussent ensuite adroitement dans l'ouverture de la plaie. Je puis dire avoir vu cette opération plusieurs fois, et l'avoir toujours autant admirée. Les femelles n'ont jamais qu'un petit, qu'elles portent de la

même

manière que les négresses leurs enfants; ce petit, étant sur le dos de la mère, lui embrasse le cou par-dessus les épaules avec les deux pattes de devant, et, des deux de derrière, il la tient par le milieu du corps. Quand la mère veut lui donner à téter, elle le prend dans ses pattes, et lui présente la mamelle c o m m e les femmes. Je ne dis point ici de quelle manière sont faits les singes, parce qu'ils sont fort c o m m u n s en Europe. On sait qu'il y en a avec des

queues,

d'autres qui n'en ont p o i n t : ceux dont nous venons de parler ont des queues; les autres qui n'en ont point sont plus c o m m u n s en Afrique qu'en Amérique. On n'a point d'autre moyen pour avoir les petits que de tuer la m è r e ; c o m m e ils ne l'abandonnent jamais, ils tombent avec elle lorsqu'elle meurt, et alors on les peut prendre. S'ils se trouvent embarrassés en quelques lieux, ils s'entr'aident pour passer d'un arbre ou d'un ruisseau à un autre, ou

en quelque autre rencontre que ce

puisse être. J'ai m ê m e entendu dire à des gens dignes de foi que,

quand les

singes veulent passer une rivière, ils s'assemblent un certain n o m b r e , se


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