Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS.

Dès que nous fûmes arrivés dans ce port, nous marchâmes pour piller les Espagnols à la rivière de Suere, nommée par les aventuriers la Pointe Blanche, et nous primes des précautions qui nous furent inutiles, car nous trouvâmes les habitations ravagées, ce qui nous fit juger que quelques-uns des nôtres nous avaient devancés. Tout ce que nous pûmes faire alors, ce fut de prendre quantité de bananes, dont nous chargeâmes notre vaisseau à moitié, et qui nous servirent de nourriture le long de la côte. Nous les faisions cuire dans de l'eau, et nous les mangions avec de la tortue que nous avions salée dans Boca del Drago. Peu de jours après, nous sortîmes de Suere, et nous passâmes devant l'embouchure de la rivière de Saint-Jean, nommée Desaguadera, où nous prîmes quelques requins que nous mangeâmes avec nos bananes. Nous cherchions toujours un lieu pour raccommoder notre vaisseau, qui faisait eau et coulait bas, faute d'avoir les matières propres à le tenir sain, étanché, et franc d'eau. Nos esclaves étaient extrêmement fatigués de le pomper, et n'osaient quitter la pompe un quart d'heure, car autrement l'eau nous aurait gagnés ; ce qui nous obligeait de nous ranger le plus près de la terre qu'il était possible, pour découvrir quelque lieu qui fût propre à le raccommoder. Nous entrâmes ensuite dans la grande baie de Bluksvelt, ainsi nommée à cause d'un vieil aventurier anglais qui s'y retirait ordinairement. Son embouchure est fort étroite au dehors, et a beaucoup d'étendue au-dedans, quoiqu'elle ne puisse contenir que de petits vaisseaux, parce qu'elle n'a que 14 à 15 pieds d'eau. Le pays des environs est marécageux, a cause d'un assez grand nombre de rivières qui s'y répandent. On trouve encore là une petite île qui nourrit des huîtres aussi bonnes que celles d'Angleterre ; mais elles sont plus petites. Nous allâmes mouiller vis-à-vis de cette petite île, en terre ferme, contre une pointe qui fait une péninsule, où nous cherchâmes le moyen de donner carène à notre bâtiment ; mais nous ne trouvâmes aucun lieu plus commode que celui où nous étions. Il n'y avait point d'eau douce, ce qui nous réduisit à creuser des puits qui nous en donnèrent de très bonne. Nous cherchâmes des vivres. A cet effet, une partie de nos gens alla à la pêche, et l'autre à la chasse, pendant que le reste déchar-


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