Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS.

qu'il pût découvrir personne. Ces Indiens sont encore extrêmement agiles à courir dans les bois. Un jour que j'étais dans cette baie à la pêche de la tortue, avec mes camarades, nous vîmes de loin, dans un canot, deux de ces Indiens qui pêchaient avec des filets. Nos gens lâchèrent de les surprendre, et pour cela ne faisaient point de bruit de leurs rames; ils tiraient le canot le long de la terre avec une main, en empoignant de l'autre les branches des arbres. Ces Indiens, qui font toujours bon guet, les aperçurent, et prirent aussitôt leurs filets et leur canot, qu'ils portèrent à plus de vingt-cinq pas dans le bois. Nos gens, qui n'étaient qu'à dix-huit pas d'eux, sautèrent aussitôt à terre avec leurs armes, croyant les joindre: mais ils ne purent en venir à bout; car lorsque ceux-ci se virent pressés, ils abandonnèrent leur canot, leurs filets et leurs armes, et firent des hurlements horribles en se sauvant. Les aventuriers, au nombre de onze, tous forts et vigoureux, eurent beaucoup de peine à remettre à l'eau ce même canot que deux Indiens avaient porté si loin; ce qui fait juger qu'ils ont une extrême force. Nous demeurâmes là quelque temps pour voir s'il n'y aurait pas moyen de négocier avec eux, mais nous entendîmes redoubler leurs hurlements, et faire un bruit si effroyable que nous n'osâmes pas nous arrêter davantage. Nous retournâmes au plus vite, emmenant avec nous le canot que nous leur avions pris, nous y trouvâmes leurs filets, de la même façon que les nôtres, excepté qu'ils avaient environ deux pieds de hauteur, et quatre ou cinq brasses de longueur, des cailloux au lieu de plomb, et du bois léger au lieu de liége. On y voyait aussi quatre bâtons de palmiste de la grosseur du pouce, et longs de six pieds ou environ. Un des bouts était pointu et fort dur, l'autre l'était aussi et avait à chaque côté trois crocs en forme de flèche. Les pointes de ces bâtons étaient tellement endurcies au feu, qu'elles auraient percé une planche comme le meilleur instrument de fer. Leur canot était de bois de cèdre sauvage, sans forme, et mal vidé, plus épais d'un côté que de l'autre, ce qui nous fit présumer que ces Indiens n'ont aucun outil de fer propre à travailler. Ils sont en petit nombre, et la plus grande des îles qu'ils habitent n'a pas plus de trois ou quatre lieues de circuit.


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