Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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LES INDIOS BRAVOS.

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qui forme c o m m e une péninsule habitée par des Indiens, que les Espagnols n o m m e n t Indios Bravos, parce qu'ils ne les ont jamais pu réduire. L'opinion c o m m u n e , et qui est reçue en ce pays-là, c'est qu'il y a eu autrefois parmi eux des Indiens extrêmement adroits, robustes et c o u rageux,

et dont la manière d'attaquer

et

de

se défendre

était fort

singulière. Je me souviens que Morgan

avait plusieurs fois juré de leur faire

perdre la qualité d'Indios Bravos, et d'aller chez eux avec tant de monde qu'il pût battre tout le pays, et les relancer c o m m e des bêtes sauvages jusque dans leurs tanières. Aujourd'hui qu'il est à son aise, j e m'imagine qu'il ne songe plus guère à ce dessein, et qu'il le regarde c o m m e l'entreprise d'un aventurier qui peut tout hasarder, parce qu'il n'a rien à perdre. Autrefois, les aventuriers traitaient avec ces Indiens, qui les a c c o m m o daient de ce dont ils avaient besoin. En échange, ces mêmes aventuriers leur donnaient des haches, des serpes, des couteaux et d'autres instruments de fer. Ce c o m m e r c e a duré longtemps, et les Indiens n'ont pas été les premiers à le rompre. Voici de quelle manière la chose est arrivée. Quelques aventuriers s'étant rencontrés à la Baie de Boca del T o r o , dont j e viens de parler, engagèrent les Indiens d'y amener leurs femmes. Ils se régalèrent ensemble ; mais, pris de vin, ils en tuèrent quelques-uns, et enlevèrent les femmes. Depuis ce temps-là, les Indiens n'ont voulu ni commerce, ni réconciliation avec eux. Cette baie a vingt-cinq ou trente lieues de circuit, et beaucoup de petites îles, dont l'une d'elles peut être habitée, à cause de l'eau qui y est très bonne. Dans ce lieu, on trouve plusieurs sortes d'Indiens qui se font la guerre, et ont m ê m e divers langages. Les Espagnols n'ont jamais pu les assujettir, à cause de leur courage et de la fertilité de leur pays, dont la terre est si excellente qu'elle leur fournit de quoi vivre, sans qu'ils soient obligés de la cultiver. De là, nous allâmes à la Pointe-à-Diego, ainsi n o m m é e à cause d'un aventurier espagnol de même n o m qui allait là. Elle est arrosée d'une petite rivière d'eau d o u c e , dans laquelle nos gens croyaient pêcher beau19


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