Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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DÉPART DE MORGAN.

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armée au milieu d'une grande savane, sur le bord d'une petite rivière dont l'eau était très bonne

et qui se trouva fort à p r o p o s , car ces

pauvres gens, ayant marché au plus fort de la chaleur, étaient si pressés de la soif, q u ' o n vit des femmes qui avaient de petits enfants à la mamelle, demander les larmes aux yeux un peu d'eau dans laquelle elles délayaient de la farine pour donner à leurs enfants : ces malheureuses mères, ayant beaucoup souffert, n'avaient plus de lait p o u r les nourrir. Le lendemain matin, cette pitoyable marche recommença

avec les

pleurs et les gémissements et sur le milieu du j o u r , au plus fort de la chaleur, deux o u trois femmes tombèrent pâmées. On les laissa sur le chemin ; elles paraissaient mortes. 11 y en avait de jeunes et d'aimables, à qui les flibustiers faisaient assez de bien, mais par intérêt. Celles qui avaient leurs maris étaient secourues ; ils les aidaient à porter leurs enfants et faisaient pour elles tout ce qui leur était possible. Enfin Morgan arriva à Cruz ; on déchargea aussitôt les mulets dans le magasin du roi ; tout autour s'établirent les prisonniers, que gardaient les aventuriers. Les Espagnols avaient été un peu lents à apporter la rançon ; mais quand ils virent que c'était tout de bon q u ' o n emmenait les prisonniers, ils se hâtèrent et se trouvèrent à Cruz un j o u r après Morgan. Deux pères étaient aussi avec eux, ils apportaient de quoi retirer leurs frères et les autres religieux q u ' o n

retenait. La belle Espagnole que Morgan avait

aimée et persécutée fut atterrée lorsqu'elle vit revenir les pères sans argent pour elle. Le lendemain de l'arrivée des pères, il vint un esclave avec une lettre pour cette dame, qui était sa maîtresse. Elle la lut et la montra ensuite à Morgan qui comprit aussitôt q u ' o n avait confié aux pères trente mille piastres pour la rançon de la dame espagnole, dont ils avaient racheté leurs frères, au lieu d'elle. Morgan ne put se dispenser de faire justice ; il laissa paisiblement aller cette dame avec ses parents qui étaient aussi prisonniers, et retint tous les moines, qu'il résolut d'emmener à Chagre. Ils prièrent q u ' o n laissa libres deux d'entre eux pour aller chercher de Urgent, pendant que les autres demeureraient en otages, et cette grâce leur fut accordée.


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