Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS,

fouillaient dans les maisons brûlées et trouvaient de l'argent que les Espagnols avaient caché dans des puits. Les autres brûlaient des dentelles et des étoffes, afin d'en tirer l'or et l'argent. Morgan se plaignit que les partis qu'il envoyait ne faisaient pas assez bonne expédition ; il voulut y aller lui-même à la tête d'un parti de trois cents h o m m e s et, lorsqu'il trouvait des Espagnols, il leur faisait donner la gêne d'une manière extraordinaire. J'en rapporterai ici un exemple, sur lequel on pourra j u g e r du reste. Un pauvre Espagnol, étant entré dans une maison de campagne appartenant à un marchand de Panama, y trouva quelques hardes q u ' o n avait laissées çà et là en se sauvant. Cet h o m m e s'accommoda sur le champ de linge et de quelques vêtements meilleurs que les siens. Il les changea, prit une chemise blanche et un caleçon de dessous de taffetas rouge. Il avait ramassé une clef d'argent qui servait à l'ouverture de quelque cassette et, n'ayant point de poche p o u r la mettre, il l'avait attachée à l'aiguillette de son caleçon. Là-dessus, les aventuriers entrèrent dans la maison, prirent cet homme et, le voyant ainsi paré, crurent qu'il en était le maître. Il avait beau montrer les méchants habits qu'il venait de quitter, et dire qu'il était un pauvre h o m m e que le hasard avait conduit en ce lieu, ils lui firent souffrir des tourments incroyables, et, c o m m e il ne confessait rien, ils les redoublèrent. Enfin, voyant qu'il ne pouvait en revenir, ils l'abandonnèrent à des nègres qui l'achevèrent à coups de lances. Morgan avait passé huit jours à exercer des cruautés inouïes, en pillant les Espagnols. Le grand butin qu'il avait ramassé l'obligea de retourner à Panama. Il trouva les barques, revenues de leur course, qui avaient encore amené quantité de pillage et de prisonnières, entre lesquelles s'en trouvait une que l'on distinguait des autres. Toutes ses manières marquaient une personne de qualité ; ce n'était pourtant que la femme d'un marchand que quelques affaires avaient obligé de passer au Pérou. Il l'avait laissée, en partant, entre les mains de ses proches, avec qui elle s'était sauvée : elle venait d'être prise. Cette femme était alors fort négligée, mais une grande jeunesse accompagnée de ses charmes, la parait naturellement ; car avec des


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