Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

Page 269

MARCHE SUR PANAMA.

261

turiers reprirent leur marche. Ils avaient un très mauvais chemin à faire : ce n'était que des prairies et du pays découvert où il n'y avait point de bois qui pût les garantir de l'ardeur du soleil. La troupe d'Indiens du j o u r précédent parut encore et ne cessa de les observer. Tantôt, c o m m e on l'a dit, ils étaient devant et tantôt derrière. Morgan, à qui il importait beaucoup d'avoir un prisonnier, détacha cinquante h o m m e s p o u r cela et promit, à celui qui en prendrait un, trois cents écus outre sa part ordinaire. A midi, les aventuriers montèrent sur une petite montagne d'où ils découvrirent la mer du Sud et un grand navire accompagné

de

cinq

barques, qui partaient de Panama pour aller aux îles de Taroga et Tarogilla, qui n'en sont éloignées que de trois ou quatre lieues. Ils se réjouirent à cette vue, espérant que leur fatigue serait bientôt terminée. Leur joie augmenta encore lorsque, descendant de cette montagne, ils se trouvèrent dans une vallée où il y avait une prairie pleine de bétail que plusieurs Espagnols à cheval chassaient. Mais apercevant les a v e n turiers, ils abandonnèrent ces animaux et s'enfuirent. C'était un plaisir de voir les flibustiers fondre sur ces bêtes : l'un tuait un cheval, l'autre une vache, celui-ci une mule, celui-là un âne ; enfin chacun abattait ce qui se présentait à lui. Pendant qu'une partie était à la chasse, l'autre allumait du feu pour faire rôtir la viande. Dès qu'on en apportait, chacun en coupait à la hâte un morceau qu'il faisait griller sur la flamme pour le manger tout de suite. Mais à peine avaientils commencé ce repas que Morgan fit donner une fausse alarme. Tout le monde fut aussitôt sous les armes et prêt à donner. Il fallut donc marcher ; chacun se saisit néanmoins de quelque morceau de viande à demi-rôtie o u toute crue, qu'il porta en bandoulière. Il est vrai qu'en cet état, les flibustiers étaient capables, à leur seul aspect, d'épouvanter les plus hardis ; car, en guerre aussi bien qu'en amour, on sait que les yeux sont les premiers vaincus. Ils marchèrent ainsi j u s qu'au soir, et* campèrent alors sur une petite éminence, d'où ils aperçurent les tours de la ville de Panama. A cette vue, ils poussèrent trois fois des cris de j o i e . D e u x cents des ennemis parurent à la portée du mousquet et se mirent à leur répondre.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.