Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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MARCHE SUR PANAMA.

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Voilà l'ordre que Morgan tint dans sa marche depuis Cruz jusqu'à Panama. Sur les dix heures, il arriva à Quebrada obscura, qui veut dire crique obscure. Ce lieu n'est pas mal n o m m é , car le soleil ne l'éclaire jamais. Les aventuriers furent assaillis d'une pluie de flèches, qui leur tua huit ou dix hommes et en blessa autant. Ils se mirent en défense, mais ils ne savaient à qui ils avaient affaire; ne voyant que des rochers, des arbres et des p r é c i p i c e s ; ils tirèrent à tout hasard, sans savoir o ù . Cette décharge ne laissa pas de faire effet; car on vit tomber deux Indiens dans le chemin. L'un d'eux se releva tout en sang et voulut pousser une flèche qu'il tenait en main dans le corps d'un Anglais, mais un autre para le c o u p et acheva de le tuer. Cet h o m m e avait la mine d'être le commandant de cette embuscade, qui apparemment n'était que d'Indiens, car on ne vit que des flèches. Il avait sur la tête un bonnet de plumes de toutes sortes de couleurs, réunies en forme de c o u r o n n e . Quand les Indiens virent que cet h o m m e leur manquait, ils lâchèrent pied et, depuis sa mort, on ne tira plus une flèche. O n trouva encore deux ou trois Indiens dans le chemin, mais ils n'étaient plus en vie. Il est .vrai que ce lieu était fort c o m m o d e pour une e m b u s c a d e ; car cent hommes résolus eussent pu empêcher le passage aux aventuriers et les défaire tous, s'ils eussent voulu s'opiniâtrer; mais c o m m e ces Indiens étaient sans conduite et peu aguerris, dès les premiers qu'ils virent tomber des leurs, ils se crurent perdus. De plus, ils avaient tiré toutes leurs flèches sans règle ni mesure, et les arbres et les broussailles, au travers desquels ils les lançaient, en avaient r o m p u la force et e m p ê ché le c o u p . C'est p o u r cette raison que les aventuriers en furent peu incommodés; ils ne s'amusèrent pas plus longtemps à regarder d'où les flèches venaient, mais ils tâchèrent de se tirer promptement de ce mauvais chemin et de gagner le plat pays, d'où ils pussent découvrir leurs ennemis. Il y avait eu autrefois une montagne à cet e n d r o i t : on l'avait taillée pour abréger le chemin et pour faire passer plus facilement les mulets chargés. Au sortir de là, les aventuriers entrèrent dans une grande prairie, où ils se reposèrent un peu et pansèrent ceux qui avaient été blessés à


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