Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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PRISE

DE

SAINT-LAURENT.

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que de feuilles de palmiste. La maison c o m m e n ç a à f u m e r ; les aventuriers, s'en apercevant, ramassèrent des flèches et firent la m ê m e chose : ce qui produisit un si bon effet que plusieurs maisons du fort furent enflammées. Presque en même temps, j e fus frappé de l'objet le plus digne de compassion q u ' o n verra peut-être jamais. Un camarade que j'aimais se présenta à moi dans un état déplorable ; il avait une flèche enfoncée dans l'œil. Ce malheureux, répandant une prodigieuse quantité de sang de son œil blessé, et autant de larmes de celui qui ne l'était pas, me pria avec instance de lui arracher cette flèche qui lui causait une violente d o u leur ; et c o m m e il voyait que la pitié m'empêchait de le secourir assez promptement, il se l'arracha lui-même. Après le bon succès dont j e viens de parler, nos gens, sentant brûler leur cœur d'un feu plus ardent que celui qu'ils venaient d'allumer, firent revenir ceux qui s'étaient retirés et se rallièrent avec eux. C o m m e ils se cachaient à la faveur de la nuit, les Espagnols ne tiraient plus si sûrement que de j o u r , outre que la lumière des maisons qui brûlaient leur nuisait, pendant qu'elle profitait aux aventuriers qui, à la lueur de cet embrasement, voyaient agir les Espagnols et en tuaient autant qu'il en paraissait. Le feu prit aussi à leur poudre, ce qui leur causa beaucoup de dommages; mais les flibustiers n'avaient point encore le moyen d'entrer dans le fort. Quelques-uns s'avisèrent de faire une brèche de cette manière : ils se coulèrent dans le fossé et, montant l'un sur

l'autre jusqu'à ce qu'ils

pussent atteindre à la palissade, ils y mirent le feu qui prit bien ; car dès que les pieux étaient enflammés, ils brûlaient aussi vite que les m a tières les plus combustibles. Les Espagnols, s'en étant aperçus, jetèrent dans le fossé quantité de pots à feu, qui consumaient beaucoup d'aventuriers avant qu'ils pussent se retirer. D ' u n autre côté, les Espagnols étaient occupés à éteindre le feu qui avait pris au fort et qui augmentait toujours, quelques efforts qu'ils fissent pour en empêcher les p r o g r è s ; et par malheur il faisait un furieux vent qui portait le feu partout. La palissade brûlait aussi grande force.

d'une


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