CHAPITRE La prise du fort de
M
XXXVI. Saint-Laurent.
ORGAN avait détaché, c o m m e j'ai dit, quatre vaisseaux de sa flotte pour aller prendre Chagre. Les vaisseaux étaient commandés par
le capitaine Bradelet qui avait beaucoup d'expérience pour de s e m -
blables entreprises. Trois j o u r s après son départ de l'île
Sainte-Cathe-
rine, il arriva à la vue du fort de Saint-Laurent. Ce fort, situé à l'embouchure de la rivière de Chagre, est bâti sur une haute montagne, large environ de trente toises, escarpée de roches et accessible seulement du côté de la terre, où elle est coupée par un fossé sans eau de six toises de profondeur.
On entre dans ce fort par le
moyen d'un pont-levis. Sur le bord de la mer, à l'extrémité de la m o n tagne qui supporte le fort, est une tour presque aussi haute que la m o n tagne même, sur laquelle il y a huit pièces de
canon
qui
défendent
l'entrée de la rivière. De cette tour on passe au fort par un degré secret fait en vignoc. Les maisons qui sont sur le haut dans le fort, ne sont faites que de palissades, et couvertes de feuilles de palmistes. Les magasins aux poudres et autres munitions de guerre sont dans des voûtes sous terre, qu'on a creusées exprès dans la montagne. Les Espagnols, ayant aperçu ces vaisseaux, mirent le pavillon royal et canonnèrent terriblement. Les aventuriers furent mouiller à un quart de lieue de la rivière, au port de Naranjas, où ils demeurèrent jusqu'au lendemain matin, qu'ils
mirent quatre cents h o m m e s à terre, pour être
conduits par l'Indien qui était leur guide. Il les mena par l'endroit le moins périlleux, cependant ils eurent beaucoup de p e i n e ; car, dans le lieu où ils descendirent, il y avait une vigie qu'ils ne purent prendre. Les Espagnols, avertis par cet h o m m e de la descente des ennemis, se mirent en défense, et les flibustiers furent obligés de se faire une route avec leurs sabres; ils n'arrivèrent au fort qu'à deux heures de l'après-midi. Enfin ils arrivèrent sur une petite