Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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VOYAGE DE L'AUTEUR.

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sel, ce qui est une espèce de serment pour affirmer qu'il y a passé. Ceux qui sont convaincus du contraire ont le choix de payer quinze sols, ou d'être attachés à une corde et guindés au bout de la grande vergue, ou d'être plongés trois fois dans la mer. On oblige un officier de vaisseau, quel qu'il soit, à payer trente sols. Si c'est un passager, ils en tirent le plus qu'ils peuvent. Il y a des marchands dont ils exigent quelquefois plus de cent écus ; et quand il se trouve des soldats, leur capitaine est obligé de payer pour eux. A l'égard des garçons au-dessous de quinze ans, ils les mettent sous des mannes d'osier et leur jettent plusieurs seaux d'eau sur le corps. Ils en font de même à tous les animaux qui sont dans le navire. L'argent qui provient de cette collecte est mis entre les mains du contre-maître, qui doit, au premier port, en acheter du vin qu'on partage à tout l'équipage. Les Hollandais ne font cette cérémonie qu'au passage du Raz et des Barlingots, rochers qui sont devant la rivière de Lisbonne en Portugal et encore à l'entrée de la mer Baltique, qu ils nomment le Zund. Quand on demande aux mariniers pourquoi ils en usent ainsi, soit sous la Ligne, soit ailleurs, ils répondent que c est une vieille coutume. Les Hollandais pensent pourtant que l'eau que l'on

jette sur les

personnes qui doivent passer la Ligne les garantit de plusieurs maladies qu'elles pourraient contracter par changement de climat. Mais cette raison me paraît très faible, puisqu'il n'est pas vrai que ceux qui ne se baignent pas sous la Ligne soient plus incommodés que ceux qui s'y baignent. Je crois plutôt que cet usage vient de ce que, tous les pays qui se trouvent sous la Ligne ayant été jusqu'alors estimés inhabitables par saint Augustin et par d'autres grands h o m m e s , les premiers qui furent assez hardis pour y pénétrer, se voyant entrer c o m m e dans un nouveau m o n d e , firent une sorte d'allusion au baptême que les chrétiens donnent à leurs enfants nouveau-nés. En effet, on se sert encore du mot de baptiser sous le Tropique, p o u r désigner cette cérémonie. Peut-être que cette observation paraîtra peu considérable à ceux qui ne sortent point de leur pays ; mais les voyageurs ne la regarderont pas de m ê m e . Aussi ne la fais-je que pour eux, c o m m e beaucoup

d'autres

plus importantes, qu'ils pourront lire dans la suite ; car j e j u g e m o i -


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