Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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PRISE DE SAINTE-CATHERINE.

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Ce fut une grande i m p r u d e n c e ; car ces maisons auraient bien servi à les mettre à couvert et à empêcher que leurs armes et leurs m u n i tions ne se mouillassent. Mais croyant que la pluie ne durerait point, ils ne poussèrent pas leurs vues plus loin. Or la pluie dura plus que le feu et ne cessa que le lendemain à midi. Elle incommoda beaucoup nos aventuriers qui n'avaient qu'un caleçon et une chemise pour tout vêtement; et c o m m e les nuits sont pour le moins de douze heures, celle-ci leur parut fort longue à passer. Si cent Espagnols fussent venus en ce moment fondre sur eux le sabre à la main, ils les auraient tous défaits; car leurs armes étaient complètement mouillées et ils étaient tout transis de froid. Ils se tenaient debout les uns contre les autres pour s'échauffer; car de se coucher, il ne pouvait être question dans le lieu où ils étaient, et où ils avaient de l'eau jusqu'à mi-jambe. Ainsi ils se voyaient pressés de la faim, submergés de la pluie, accablés de lassitude et sans aucun soulagement. En cet état, ils se croyaient plus misérables que s'ils avaient été environnés de leurs e n n e m i s ; car ils auraient pu les vaincre ou mourir glorieusement. A la pointe du j o u r , les Espagnols commencèrent à battre la diane et à faire une décharge de canon et de mousquets. Les aventuriers

n'en

purent pas faire autant; car leurs tambours étaient mouillés, aussi bien que leurs armes, qu'ils ne pouvaient recharger à cause de la pluie qui tombait d'une

telle sorte, q u ' o n voyait les torrents se précipiter des

montagnes et l'eau, gagnant de toutes parts, leur fermer le passage pour retourner à leurs vaisseaux. Sur le midi, le soleil parut et la pluie cessa. Alors Morgan envoya quatre h o m m e s dans un canot portant pavillon blanc, pour sommer les Espagnols de rendre l'île et leur signifier que, s'ils faisaient résistance, il mettrait tout à feu et à sang. Le gouverneur envoya le major et un alferez, pour voir de quelle manière ils pourraient rendre le fort sans que le roi d'Espagne et les gouverneurs généraux dont ils dépendaient les pussent accuser de lâcheté. Le major et l'alferez représentèrent à Morgan qu'ils étaient dans l'intention de rendre l ' î l e ; mais que, c o m m e il y allait de la tête, il lui plût 16


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