Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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AU BOURG DE LA RANCHERIA.

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se mettre à terre; les autres s'occupèrent à cacher leurs biens et tout ce qu'il y avait dans le b o u r g . Le calme dura jusqu'au soir. Sur le soir il se leva un petit vent de terre qui fit naître l'occasion d'échapper à un navire qui mouillait l à ;

mais

comme il n'était pas bon voilier, les flibustiers le devancèrent et l'obligèrent à se rendre. Ce navire leur vint à p r o p o s , car il était chargé de maïs pour Carthagène et fut reconnu par quelques Français. C'était celui que l'Olonnais avait pris, chargé de c a c a o ; monsieur d'Ogeron l'avait donné au capitaine Champagne et il avait été pris par les Espagnols. Ceux-ci l'avaient vendu au marchand qui le montait alors. C'était le douzième navire que les aventuriers lui avaient pris dans l'espace de cinq années, et il nous dit que, nonobstant toutes ces pertes, il avait gagné cinq cent mille écus. On peut j u g e r par là s'il y a des gens riches dans l'Amérique. Après que nos aventuriers se furent saisis de ce navire, ils vinrent mouiller devant la rivière de la Hache, vis-à-vis du bourg de la Rancheria, où ils espéraient le lendemain matin descendre à terre. Les Espagnols n'oublièrent rien p o u r les en empêcher, s'étant retranchés au bord de la mer. Mais malgré leurs efforts, les aventuriers, à la faveur de leurs canons, mirent leur monde à terre et obligèrent les Espagnols à se retirer dans le bourg où ils s'étaient fortifiés, bien résolus de leur en défendre l'entrée. Les deux partis s'opiniâtrèrent tellement que le combat dura depuis dix heures du matin jusqu'au s o i r ; à la fin les Espagnols, ayant perdu beaucoup de m o n d e , furent obligés de se retirer. Les aventuriers, étant entrés dans le bourg et n ' y trouvant que les maisons vides, poursuivirent les fuyards. Ils en firent une partie prisonniers, et le lendemain ils leur donnèrent la gêne pour leur faire avouer où était leur b i e n ; après cela, ils allèrent en parti et firent tous les jours de nouveaux prisonniers, outre les esclaves et le butin qui était considérable. Les Espagnols, pour se garantir de leurs violences, dressèrent des barricades par les chemins, se mirent en embuscade et tâchèrent de faire autant de mal à leurs ennemis qu'ils en recevaient, afin de les obliger à se retirer. Les aventuriers demeurèrent un mois dans ce bourg et le capitaine


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