Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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LE RETOUR DE MARACAÏBO.

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étaient couchés sur le tillac; mais quelques-uns se tenaient en bas pour boucher les ouvertures qui pourraient être faites par les boulets de canon. Ce fut ainsi que les aventuriers passèrent malgré D o m Alonse qui en fut au désespoir. Les aventuriers, étant passés, mirent les prisonniers dans une barque qu'ils envoyèrent à D o m Alonse sans leur faire aucun mal, et ils prirent la route p o u r sortir de la baie de Venezuela ou Maracaïbo, où ils l'avaient échappé belle. Le même j o u r , la flotte fut surprise d'un mauvais temps ; les vaisseaux ne valaient pas grand chose, en sorte qu'on avait peine a les tenir sur l'eau et qu'ils furent tous en danger de périr. Malheureusement pour moi j e me trouvais dans un des plus mauvais. Je suis sûr qu'il y en a beaucoup qui font des vœux au Ciel et qui ne se sont jamais trouvés dans une peine égale à la nôtre ; nous

avions

perdu nos voiles et nos ancres, et le vent était si furieux qu'il ne nous permettait pas d'en mettre d'autres. Il fallait sans cesse vider l'eau avec des pompes, et le navire se serait ouvert, si nous ne l'avions fortement lié avec des cordes. Cependant le tonnerre et les vagues nous i n c o m m o daient également. Il nous était impossible de dormir durant la nuit à cause de l'incertitude de notre destinée. Cette tempête durait depuis quatre jours et il ne nous paraissait pas qu'elle dût jamais finir. D'un côté, nous n'apercevions que des rochers contre lesquels nos vaisseaux étaient prêts de se briser à toute heure ; de l'autre nous envisagions les Indiens qui ne nous auraient pas plus épargnés que les Espagnols que nous avions derrière nous ; et par malheur le vent nous poussait sans cesse et contre les rochers et vers les Indiens, et il venait de l'endroit où nous voulions aller. Pour comble de disgrâce, lorsque le mauvais temps cessa, nous aperçûmes six grands navires qui nous alarmèrent terriblement. M. d'Estrées qui les commandait nous faisait donner la chasse, sans toutefois nous faire perdre l'envie de nous bien défendre. Mais lorsque nous redoutions sa valeur, nous éprouvâmes sa bonté ; car s'étant informé de nos besoins, il nous secourut généreusement. Après cela, chacun

tira de son côté,

Morgan avec plusieurs des siens à la Jamaïque et nous à la côte de SaintDomingue.


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