Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS,

rodomontades espagnoles ; que p o u r eux, ils étaient résolus de se battre jusqu'à l'extrémité, plutôt que de rendre ce qu'ils avaient pris. Un Anglais de la troupe dit que, lui douzième, il se faisait fort de faire périr le plus grand navire, q u ' o n croyait au moins de 48 pièces de canon à l'apparence qu'il avait. Néanmoins, Morgan voulait voir s'il ne pourrait point composer avec les Espagnols ; il envoya un h o m m e de cette nation à D o m Alonse, avec les propositions suivantes : Qu'il quitterait Maracaïbo sans y faire aucun tort et sans demander rançon ; qu'il rendrait tous les prisonniers avec la moitié des esclaves sans en rien prétendre ; Que la rançon de Gibraltar n'étant pas encore payée, il rendrait les otages sans rançon ni pour le bourg ni pour eux. D o m Alonse, bien loin d'accorder ces propositions, ne voulut pas seulement en entendre la lecture. Alors Morgan et ses gens s'obstinèrent et décidèrent de se bien défendre, quoiqu'il n'y eût guère d'apparence, parce que les forces espagnoles étaient sans comparaison supérieures aux leurs. Cet h o m m e qui avait fait la proposition dont nous avons parlé, l'exécuta. J'ai dit qu'on avait pris un navire dans la rivière des Epines ; on en fit un brûlot, on remplit le fond de feuillages trempés dans du goudron, q u ' o n trouve en assez

grande quantité dans la ville. Tout le

monde y travailla d'une telle force, qu'en huit jours il fut en état de faire effet. Mais afin de tromper les Espagnols et de déguiser ce navire, on y avait fait des sabords, auxquels on avait posé plusieurs pièces de bois creuses, qui paraissaient c o m m e des canons. De plus on avait mis sur des bâtons des bonnets, pour y faire paraître beaucoup de monde. Morgan même fit arborer son pavillon d'amiral sur ce vaisseau. Tous les autres étaient bien disposés à se battre. Cet équipage ainsi préparé, Morgan descendit de Maracaïbo à l'entrée du Lagon et alla mouiller à portée de canon des vaisseaux espagnols, qu'on aurait pris pour des châteaux au prix de ceux des aventuriers, qui ne semblaient que des barques de pêcheurs. Ils demeurèrent là jusqu'au lendemain matin.


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