Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

Page 231

PRISE DE MARACAÏBO.

223

lui promit qu'il ne serait plus e s c l a v e : ce qui l'anima tellement qu'il fit son possible pour faire prendre tous les Espagnols. Morgan fit ensuite quelques prisonniers, qui lui dirent que vers une grande rivière, à six lieues de Gibraltar, il y avait un navire de cent tonneaux avec trois barques chargées de marchandises et d'argent appartenant aux habitants de Maracaïbo. Aussitôt il détacha cent hommes et leur donna ordre d'amener le pillage avec les prisonniers au bord de la mer, où étaient les bâtiments q u ' o n devait aller prendre. Cependant il se mit avec deux cents h o m m e s à chercher dans les bois les Espagnols ou plutôt leur argent. Ce m ê m e j o u r , il arriva h une fort belle habitation et trouva du m o n d e caché dans un bois voisin, où était entre autres un vieux Portugais avec un autre h o m m e plus j e u n e . Le vieillard, âgé de plus de soixante ans, fut accusé par un esclave d'être riche, et là-dessus on le mit à la torture pour lui faire avouer où était son argent. Mais il ne dit rien, sinon qu'il avait cent écus, mais qu'un jeune h o m m e qui demeurait avec lui les avait emportés et qu'il ne savait point où il était. Cependant sur l'accusation de l'esclave, on ne le crut point, mais on le tourmenta plus fort qu'auparavant. Après lui avoir donné l'estrapade avec une cruauté inouïe, on le prit et on l'attacha par les deux mains et par les deux pieds aux quatre coins de la m a i s o n ; ils appellent cela nager à sec. On lui mit une pierre qui pesait bien cinq cents livres sur les reins et quatre h o m m e s touchaient avec des bâtons sur les cordes qui le tenaient attaché, en sorte que tout son corps travaillait. Nonobstant ce cruel supplice, il ne confessa rien. On mit encore du feu sous lui, qui lui brûla le visage, et on le laissa là pendant q u ' o n tourmentait son camarade, qui, après avoir été estrapadé, fut suspendu par les parties que la pudeur défend de n o m m e r et qui lui furent presque arrachées; ensuite on le jeta dans un fossé et on le perça de plusieurs coups d'épée, en sorte q u ' o n le laissa pour mort, quoiqu'il ne le fût pas. Car quinze jours après, on eut nouvelle, par quelques prisonniers, q u ' o n l'avait trouvé, q u ' o n l'avait fait confesser et ensuite panser et q u ' o n espérait qu'il reviendrait de toutes ses plaies. Pour le Portugais, ils le chargèrent sur un cheval, l'emmenèrent à


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.