Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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PRISE DE MARACAÏBO.

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la flotte ne venait point, jugea qu'ils s'étaient rendus à l'île de la Saône, où, comme j ' a i déjà dit, il leur avait donné rendez-vous. Il mit donc à la voile et navigua le long de cette côte, donnant l'alarme aux Espagnols, qui croyaient qu'il allait attaquer Saint-Domingue, ville capitale de l'île. Après quelques j o u r s de navigation, il arriva au rendez-vous et ne trouva personne, non plus que dans la baie d'Ocoa. Il résolut de les attendre encore huit j o u r s , et pendant ce temps-là, il envoya cent cinquante hommes pour faire une descente dans la rivière d'Alta Gracia, et chercher des vivres pour la flotte qui en avait besoin. Tout son m o n d e s'embarqua dans une bellandre et dans des canots ; on alla de nuit, afin de descendre à terre, au point du j o u r , surprendre les Espagnols, faire quelque prisonnier de conséquence et en tirer une forte rançon. Mais l'alarme étant par toute la côte et les Espagnols sur leurs gardes, cette entreprise fut inutile. Les aventuriers, voyant les choses en cet état, se retirèrent sans rien risquer. Morgan, cependant, était en peine de savoir ce que le reste de la flotte était devenu, et ne pouvant plus attendre faute de vivres, il tint conseil sur ce qu'on devait faire. Chacun fut d'avis d'aller attaquer quelque place avec ce q u ' o n était de m o n d e , qui consistait en cinq cents hommes. Pierre le Picard, fameux

aventurier, fit la proposition

d'attaquer

Maracaïbo, où il avait déjà été avec l ' O l o n n a i s ; il dit qu'il servirait l u i même de pilote p o u r faire entrer les vaisseaux sur la barre, et de guide pour conduire ses c o m p a g n o n s par terre. Il fit voir la facilité qu'il y avait de prendre cette place où l'on trouverait assez de bien pour enrichir toute la flotte. Morgan l'estimait à cause qu'il parlait fort bon anglais, et tout le m o n d e fut charmé de sa proposition. Enfin, la résolution prise, on fit à l'ordinaire la chasse-partie, où on inséra qu'en cas que le reste de la flotte vînt à se joindre avant q u ' o n eût pris la forteresse, elle serait reçue à partager c o m m e les autres. Tout étant ainsi concerté, on laissa un billet dans un pot enfoui en terre, c o m m e j'ai déjà dit, afin que, si les derniers venaient, ils sussent où étaient les premiers. Morgan avec sa flotté leva l'ancre et prit la route de terre ferme. Après quelques jours de navigation, il arriva à l'île


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