Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE

DES

AVENTURIERS,

la flotte, afin de la pouvoir rejoindre en ce lieu avant qu'elle fût partie; et en cas qu'elle le fût, on devait laisser un billet enfermé dans un flacon enfoncé en terre, marqué d'une certaine figure qui apprendrait le rendez-vous général. Toutes ces mesures étant prises, Morgan mit à la voile et navigua le long de la côte de l'île de Saint-Domingue jusqu'au cap de Beata ou L o b o s ; mais il trouva les vents et les courants si contraires, qu'il ne put jamais doubler ce cap, quelque effort qu'il fit. Cependant, après avoir demeuré là quelque temps, les vivres commencèrent à manquer. Morgan dit à ses gens qu'il fallait faire tout ce q u ' o n pourrait pour doubler le c a p ; il ordonna à ceux qui ne pourraient pas le doubler, d'attendre l'occasion, et à ceux qui le pourraient, d'aller toujours attendre les autres dans la baie d'Ocoa qui n'est pas éloignée de ce cap. Il donna ce rendez-vous, afin que les vaisseaux qui n'avaient point de vivres en pussent prendre, parce qu'il se rencontre là une grande quantité de bestiaux. Il avertit ceux qui seraient arrivés les premiers d'en faire bonne provision pour en donner aux autres lorsqu'ils les auraient joints. Après toutes ces précautions, Morgan et sa flotte firent de nouveaux efforts pour doubler le cap et ils réussirent; car, le temps s'étant modéré un peu, ils doublèrent tous. Sur le soir on vit un navire, à qui on donna la chasse p o u r le reconnaître; mais il semblait venir de plein gré au-devant de ses amis, car il approchait à mesure qu'on allait à lui. Il mit pavillon anglais. Il venait d'Angleterre et allait à la Jamaïque. Six ou sept vaisseaux de la flotte demeurèrent auprès de lui pour acheter de l'eau-de-vie. Le temps étant toujours beau, ils ne quittèrent point ce bâtiment; mais le lendemain, ils furent bien surpris lorsqu'ils se virent séparés de leur général, et celui-ci ne le fut pas moins quand il s'aperçut qu'il lui manquait sept vaisseaux. Il entra dans la baie d'Ocoa p o u r les attendre. Le temps devint si mauvais, qu'il fut obligé de séjourner dans cette baie plus qu il n'aurait voulu. Il donna ordre aux équipages des vaisseaux qui étaient demeurés avec lui, de ne point toucher à leurs vivres et d'envoyer tous les matins huit h o m m e s de chaque équipage, qui feraient un corps de soixante et quatre


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