PRISE DE SANTIAGO.
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que joie et profusion d'eau-de-vie et de tout ce qui pouvait convenir aux braves libérateurs. Il se passa plus d'un an sans q u ' o n apprît rien de mémorable de la part des aventuriers ou flibustiers ; mais, en l'année 1690, M. de CussiTarin, gouverneur pour le roi sur la côte de Saint-Domingue,
ayant
assemblé environ mille h o m m e s , partie flibustiers et partie habitants du quartier du cap et du port de Para, fit une entreprise sur la ville de Santiago-de-los-Cavalleros, située au nord, presque au milieu de cette île, et, s'étant campé dans un endroit n o m m é la Savana d'Ogna-Igressa il rangea sa petite armée en bataille, et présenta le combat au g o u v e r neur espagnol, qui se retira au lieu de l'accepter. Les
flibustiers,
ayant, par ce m o y e n ,
le passage libre, avancèrent
sans se mettre en peine d'autre chose, et furent attaqués par trois mille Espagnols, à une demi-lieue de la ville, dans un défilé où ils s'étaient mis en embuscade. Le sieur Cussi, que ses guides avaient averti, loin de s'étonner, alla aux ennemis dans un si bel ordre et une telle résolution, qu'il les obligea de se retirer, fuyant ça et là dans les b o i s , après avoir laissé plus de mille des leurs sur la place. Cette victoire ne lui coûta qu'environ quarante h o m m e s et deux officiers subalternes ; et, c o m m e il ne trouva plus d'obstacle, il marcha droit à la ville de Santiago, l'exception
que les
flibustiers
pillèrent et brûlèrent,
à
des églises que M. de Cussi leur avait expressément re-
commandées. Après cette expédition, ils retournèrent à la côte avec leur butin, où arrivèrent dans le même moment quelques Caraïbes, qui sont les anciens habitants naturels de ces contrées. Ces Caraïbes venaient de l'île Saint-Vincent, à trente lieues au vent de la Martinique, pour troquer des perroquets, des poules, des fruits, des paniers de j o n c résistant à l'eau, et quantité d'autres choses de leur façon, dont nos habitants s'accommodent fort bien. Quelques Français arrivés en ce pays furent surpris de les voir nus, tant les hommes que les femmes, et frottés d'un
rouge sale q u ' o n appelle roucou,
n'ayant
qu'un petit morceau de toile attaché à leur ceinture, qui les couvrait patdevant. Leurs cheveux étaient partagés d'une oreille à l'autre, ceux de