Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS,

reçu à la cuisse, lui dit:

« Je vais bientôt savoir si tu es le capitaine

Montauban, et si cela n'est pas, j e te ferai couper la tête. » Dans ce moment il lui commanda de montrer sa cuisse, et ayant vu la cicatrice, il embrassa le capitaine, le retint chez lui et fit placer son monde chez des nègres avec ordre d'en avoir soin. Au bout de quelque temps, le prince Thomas leur donna des pièces d'étoffe pour se mettre en état de paraître devant le roi son père. C'est un grand nègre, assez bien fait, d'environ cinquante ans, à qui il voulait les présenter. Le roi les reçut avec toute sorte d'amitié, et ayant appris du capitaine que le roi de France, son maître, soutenait la guerre contre les Anglais et les Hollandais qu'il connaissait lui-même, et encore contre les Allemands et les Espagnols qui sont des nations plus puissantes que les deux premières,

il témoigna que ce récit lui faisait plaisir et se fit

apporter du vin de palme qui n'est pas désagréable à boire, afin de porter la santé du roi de France. Le prince Thomas en fit autant; tous les flibustiers, par ordre du roi, suivirent l'exemple. Ce monarque, rempli du récit qu'on venait de lui faire, demanda c o m m e n t on appelait le roi de France, et sur la réponse que Montauban lui fit, q u ' o n le nommait Louis le Grand, il dit qu'il voulait que son petit-fils, que l'on

devait

bientôt baptiser, portât le n o m de Louis le Grand. En effet, Montauban le tint sur les fonts et fut obligé de le nommer ainsi. A peine cette cérémonie fut-elle achevée, que le prince Thomas mena promener Montauban et ses gens dans les villages les plus agréables du pays, éloignés les uns des autres de cinq à six lieues. La plupart des nègres, qui n'avaient jamais vu le bord de la mer, et qui, par conséquent, n'avaient jamais vu des blancs, venaient en foule pour les v o i r ; tantôt ils leur passaient la main sur le visage, ne croyant pas que leur blancheur fût naturelle, tantôt ils leur ratissaient les doigts avec un couteau; en sorte que le prince Thomas, s'apercevant de leur simplicité, se mit à rire et les fit retirer. Sur ces entrefaites, quelques gardes du prince T h o m a s vinrent lui dire qu'il était arrivé des vaisseaux au cap L o p e z ; on prépara aussitôt, par son ordre, des canots, et Montauban, après avoir pris congé du


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