Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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LE CAPITAINE MONTAUBAN.

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tous fort maltraités. Cependant, malgré l'abattement que leur causait la faim qu'ils souffraient, il fallut gagner le cap de Corse et surmonter les obstacles que la nature leur opposait par le m o y e n de la barre qui en rend la côte inaccessible. Ils y arrivèrent néanmoins, après bien des p e i n e s ; quelqu'un de la troupe alla chercher de quoi vivre,

et par bonheur il

trouva, dans un étang que la mer a formé près de là, des huîtres attachées à des branchages. Ils y allèrent tous en remontant le canal, et se prêtant de bon cœur quelques

couteaux qui se trouvèrent dans leurs

poches, chacun mangea de grand appétit. Les flibustiers ayant passé deux jours dans cet endroit, le capitaine Montauban les distribua en trois petites bandes pour aller chercher des vivres et des habitations. Il y alla de son côté et donna ordre de retourner le soir à la chaloupe ; mais ils ne rencontrèrent que quelques troupes de buffles, qui fuyaient à mesure qu'on avançait vers eux ; ainsi ils revinrent à la chaloupe sans avoir

trouvé ni habitation ni

vestiges

d'hommes. Cette dure extrémité les obligea de partir le lendemain pour se rendre au port de Lopez, sous le vent du cap de Corse, où les nègres, avertis par des coups de canon que les vaisseaux tirent à leur arrivée, viennent leur apporter des vivres et tout ce qui leur est nécessaire, pour de l'eau-de-vie, des couteaux et des haches. Le capitaine Montauban ne doutait pas que parmi ces nègres, dont la plupart lui avaient apporté des rafraîchissements dans les voyages précédents qu'il avait faits sur ces côtes, il ne s'en trouvât plusieurs qui ne le reconnussent. En effet, il dit à quelques-uns de ceux-là en leur langue, qu'il était le capitaine Montauban et qu'il les priait de lui donner des vivres ; mais ces nègres le voyant tout défiguré ne le reconnurent point, et crurent qu'il leur en imposait. Il les pria de le mener chez le prince Thomas, fils du roi de ce pays, espérant qu'il se souviendrait des plaisirs qu'il lui avait faits. Les nègres l'y conduisirent avec son m o n d e , et commençant à s'apprivoiser avec nos aventuriers, ils leur donnèrent des bananes, qui sont des figues plus longues que la main. Le mauvais état où était Montauban fit que le prince Thomas ne put le reconnaître. Toutefois, ce prince se ressouvenant de lui avoir vu, en se baignant un j o u r avec lui, la cicatrice d'un c o u p de mousquet qu'il avait


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