Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

Page 150

142

HISTOIRE DES AVENTURIERS,

arrivèrent à la Tortue avec leur barque, n'ayant jamais fait de course plus funeste que celle-là. J'oubliais de dire qu'une partie des gens de l'Olonnais qui s'était retirée sur une île le long de la côte de Carthagène, nommée l'île Forte, y trouvèrent des Anglais aventuriers, qui avaient dessein de faire descente en terre ferme, et que cette occasion se présenta fort à propos pour les délivrer. Dans l'espérance de faire quelque butin, ils dirent aux Anglais qu'ils avaient encore de leurs camarades en beaucoup de lieux le long de la côte. Les Anglais, réjouis d'apprendre cette nouvelle, les cherchèrent et les prirent dans leurs vaisseaux. Leur dessein était de monter la rivière de Mosquitos, qui est au cap de Gracia-a-Dios, et de trouver quelque petite ville espagnole à piller, parce que personne n'y avait encore été. Un des leurs les avait assurés qu'il y avait communication entre cette rivière et le lac de Nicaragua. Sur cette espérance, les aventuriers s'embarquèrent au n o m b r e de cinq cents dans les canots pour remonter la rivière ; mais après avoir tenté la fortune quinze jours durant sans trouver autre chose que de petits lieux où les Indiens se retiraient, et qui étaient entièrement dénués de vivres, ils cherchèrent divers moyens pour sortir de cet embarras. Enfin, voyant qu'ils ne gagnaient rien, ils allèrent au travers des bois pour chercher un chemin. Mais après avoir employé quelques jours à courir de côté et d'autre, ils ne purent

découvrir

aucune route ni

faire quelque prisonnier qui leur servît de guide. Ils s'en

retournèrent

donc sans avoir rien fait. La faim, qui les pressait extrêmement, précipitait encore leur retour; et s'ils avaient trouvé des sauvages, ils étaient résolus d'en tuer quelques-uns pour se nourrir, car ils ne mangeaient que de l'herbe et des feuilles d'arbres. Ils regagnèrent pourtant peu à peu le bord de la mer, où ils trouvèrent les Indiens du cap de Gracia-aDios, qui leur donnèrent des vivres, et ils demeurèrent quelque temps dans ce lieu avant que de se rembarquer. Ils auraient m ê m e entrepris encore quelque chose, mais la nécessité fut cause que la dissension se mit entre eux. Toutefois, ils se séparèrent sans autre disgrâce que la faim qu'ils avaient endurée.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.