Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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PRISE DE LA HOURQUE.

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charge qui valait plus d'un million ; et en cela il manqua de conduite, car il pouvait bien j u g e r que, découvert c o m m e il l'était, ayant demeuré près de six mois à cette côte, ce bâtiment ne chargerait jamais à sa vue. On ne trouva dans la hourque qu'environ vingt mille rames de papier et cent tonneaux de fer en barre qui servait de lest au vaisseau. On y trouva aussi quelques ballots de marchandises, mais de peu de valeur: ce n'était que des toiles, serges, draps et ruban de fil en grande quantité. Tout cela ne laissait pas de valoir de l'argent, et cependant les aventuriers n'en profitèrent presque point ; car, ayant partagé ce qui pouvait être à leur usage, ils dissipèrent le reste, c o m m e le papier et mille autres bagatelles. Quelques huiles d'olive et d'amande furent consumées i n u tilement. Un assez grand n o m b r e de ces aventuriers, nouveaux venus de France, qui n'avaient

entrepris

ce voyage avec l'Olonnais que parce qu'ils

lavaient vu revenir de Maracaïbo comblé de biens, ennuyés de celte misérable vie, commencèrent à se plaindre et à dire hautement qu'ils voulaient retourner à la Tortue. Les vieux aventuriers, accoutumés aux murmures, se moquèrent d'eux, disant qu'ils aimaient mieux périr que de s'en retourner sans argent. Enfin, ils se liguèrent les uns contre les autres. Les plus expérimentés d'entre eux, voyant que le voyage de Nicaragua ne réussirait point, s'embarquèrent, la plupart en secret, sur le bâtiment que montait Moïse Vauclin, q u ' o n avait pris au port de Cavallo, et qui allait fort bien à la voile. Leur parti était pris de quitter l'Olonnais, d'aller à la Tortue r a c c o m moder leur bâtiment, et ensuite de retourner en c o u r s e ; mais lorsqu'ils voulurent sortir, ils échouèrent sur un récif, et leur dessein échoua avec eux. Si ce bâtiment n'eût pas péri de la sorte, il aurait fait bien du mal aux Espagnols, car c'était le meilleur voilier q u ' o n eût vu depuis c i n quante ans dans toute l'Amérique. Moïse Vauclin, se voyant sans vaisseau, chercha l'occasion d'en recouvrer un autre. Il trouva fort à propos le chevalier du Plessis qui venait de France, exprès pour croiser sur les Espagnols, et c o m m e Vauclin connaissait le pays et les lieux que les Espagnols fréquentent, il fut bien


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