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HISTOIRE DES AVENTURIERS,
temps de se décharger. Quelques-uns représentèrent qu'il valait mieux attendre son retour, parce qu'elle aurait de l'argent, que de la prendre ainsi lorsqu'elle n'avait que des marchandises. Cet avis fut suivi ; les flibustiers ne laissèrent pas d'envoyer des canots pour l'observer,
mais
ceux qui la montaient, ayant appris qu'ils étaient à cette côte, se contentèrent de débarquer
les marchandises, et ne précipitèrent point leur
retour. L'Olonnais et ses gens, ennuyés d'attendre, eurent quelque soupçon que ce vaisseau leur pourrait échapper ; ils résolurent de l'aller attaquer, ne sachant pas si à mesure q u ' o n en déchargeait les marchandises, on n'en embarquait de nouvelles. Dans cette incertitude, ils allèrent à son bord ; mais les Espagnols, qui avaient été avertis, s'étaient déjà précautionnés, ayant préparé
leur
canon et débâclé leur navire, c'est-à-dire ôté tout ce qui leur pourrait nuire pendant le
combat.
Leur canon
était en batterie au
nombre
de cinquante-six pièces, outre beaucoup de grenades, de pots à feu, de torches, de saucissons qu'ils avaient sur les châteaux d'avant et d'arrière. Quand nos aventuriers approchèrent, ils s'aperçurent bien qu'ils étaient découverts et q u ' o n les attendait; cependant, ils ne laissèrent pas d'attaquer. Les Espagnols se mirent en défense, et quoique inférieurs en n o m bre, ils leur donnèrent bien de l'exercice. Mais après avoir combattu presque un j o u r entier,
c o m m e ils n'étaient
guère plus de
soixante
h o m m e s , ils se lassèrent, et les aventuriers, voyant que leur feu diminuait, les abordèrent et se rendirent maîtres de la h o u r q u e . Sur-le-champ, l'Olonnais envoya quelques petits bâtiments dans la rivière, afin de capturer la patache qui venait, disait-on, chargée de cochenille, d'indigo et d'argent. Mais les Espagnols, ayant su la prise de la hourque, ne firent pas descendre la patache et se retranchèrent si bien sur la rivière, que les aventuriers n'osèrent rien entreprendre. (Patache signifie un petit vaisseau de guerre qui mouille à l'entrée d'un port pour connaître les navires qui viennent longer la c ô t e . ) L'Olonnais ne fit pas, en prenant la hourque, le grand butin qu'il s'était imaginé ; s'il l'eut prise lorsqu'elle arriva, il aurait eu toute sa