VOYAGE
AUX
HONDURAS.
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chandises qui leur auraient valu beaucoup. Leur paresse et la répugnance qu'ils ont à rien faire les uns pour les autres en est cause. D'ailleurs, quand ils ont apporté de la marchandise dans leur pays, o n ne leur veut pas donner ce qu'elle vaut. Ils négligent donc d'en apporter, et il arrive, c o m m e je l'ai vu plusieurs fois, que quand ils prennent un bâtiment où il y en a dont ils ne peuvent pas se servir, ils la jettent et la gâtent plutôt que de la porter où ils pourraient le faire c o m m o d é m e n t . Ce n'est pas que la prise de la ville de Saint-Pierre ne pût être avantageuse aux flibustiers, mais les Espagnols ont toujours la prévoyance de cacher ce qu'ils possèdent de plus précieux, avant que de songer à se défendre,
c o m m e s'ils étaient sûrs de succomber et d'être
vaincus.
Quand l'Olonnais fut prêt à partir, il demanda aux prisonniers qui étaient entre ses mains s'ils voulaient payer la rançon pour leur ville, sans quoi il leur signifia qu'il y mettrait le feu. Ils répondirent résolument qu'on leur avait tout ôté, qu'ainsi ils n'avaient plus rien à donner, qu'il pouvait faire tout ce qu'il lui
plairait, mais que pour eux
ils
n'étaient capables de rien. A cette réponse, il fit mettre le feu à la ville, la laissa brûler et se retira avec ses gens au bord de la mer, où ceux qu'il y avait laissés lui dirent, sur le rapport de quelques Indiens, qu'ils avaient pris, qu'on attendait dans la grande rivière de Guatemala une hourque, c'est-à-dire un navire de sept cents tonneaux, qui va ordinairement tous les ans d'Espagne aux Honduras, pour y apporter tout ce dont la province guatémale a besoin. Cette province n'ayant que très peu de communication
avec les galions du roi catholique, quelques
marchands d'Espagne ont obtenu du roi et de la maison des Indes la permission d'y envoyer tous les ans un bâtiment. Les marchandises qui se portent là sont du fer, de l'acier, du papier p o u r imprimer ou écrire, du vin, des toiles, des draps fins, des étoffes de soie, du safran et de l'huile. Le retour est ordinairement chargé
de cuirs, de salsepareille,
d'indigo, de cochenille, de jalap et de méchoacan.