Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS.

prendre la fuite, non sans laisser la plus grande partie de leurs gens sur la place. Il y eut beaucoup de prisonniers, sans les blessés q u ' o n acheva. Les prisonniers, interrogés, répondirent à l'Olonnais que, quelques esclaves fugitifs ayant répandu le bruit de sa descente, les Espagnols

avaient

jugé qu'on viendrait attaquer Saint-Pierre, et qu'ils s'étaient mis en défense. Ils ajoutèrent qu'outre cette embuscade, il y en avait encore deux autres plus fortes à passer, avant que d'arriver à la ville. On les interrogea

tous séparement, et l'Olonnais connut par leurs réponses

qu'il trouverait de la résistance: ce qui l'obligea de les massacrer, n'en gardant que deux ou trois à qui il demanda s'il n'y avait pas moyen d'éviter ce chemin. Ils répondirent que n o n . Il en fit attacher un à un arbre, et lui ouvrit le ventre, puis il dit aux autres qu'il leur en ferait autant s'ils ne lui enseignaient un autre chemin. Mais quand il vit qu'il n'y en avait point d'autre, il résolut avec sa troupe de suivre le premier et de se garder de ces embuscades, autant qu'il serait possible. Ces misérables prisonniers, cherchant à sauver leur vie,

voulurent

néanmoins lui enseigner un autre c h e m i n ; mais il était si mauvais, qu'il trouva plus à propos de suivre la grande route o ù , sur le soir, il rencontra une seconde embuscade qui ne put non plus tenir que la première. Les Espagnols,

voyant cela, jugèrent qu'il

valait bien mieux

joindre le gros que de se faire tuer par des gens déterminés c o m m e ces aventuriers: ils lâchèrent pied et allèrent se retrancher dans la dernière embuscade, environ à deux lieues de la ville. Les flibustiers, fatigués du chemin, de la faim et de la soif, avaient peine à marcher et furent obligés de coucher dans le bois, où ils firent bonne garde toute la nuit. Le lendemain, ils poursuivirent leur chemin sans rencontrer la dernière embuscade. Enfin y étant arrivés, ils firent halte, puis marchèrent généreusement dans le dessein de l'emporter ou de périr. Ils cherchèrent néanmoins les moyens de passer par un autre que celui où les Espagnols, bien retranchés, les attendaient. Mais il n'y en avait a u c u n ; car toute la ville était environnée de raquettes et de torches épineuses, en sorte qu'il était impossible d'y passer, surtout à des gens qui étaient nu-pieds et qui


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