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HISTOIRE DES AVENTURIERS.
Basque se mit à la tête pour les commander. L'Olonnais, qui voulait partager le péril, y alla aussi et, sans prendre d'autres mesures, ils attaquèrent le fort, qui n'était que de gabions faits de pieux et de terre, derrière lesquels les Espagnols avaient quatorze pièces de canon, et deux cent cinquante h o m m e s . Le combat fut rude, les deux partis étant fort opiniâtres, mais c o m m e les aventuriers tiraient plus juste que les Espagnols, ils les affaiblirent
tellement qu'ils gagnèrent
malgré eux les
embrasures, entrèrent dans le fort, massacrèrent une partie de la garnison et firent l'autre prisonnière. Dès que les gabions furent gagnés, l'Olonnais les lit abattre, en fit enclouer le canon, et sans perdre de temps, il alla à Maracaïbo. Mais, quoiqu'il n'y eût que six lieues, les Espagnols, sachant que leur fort n'était pas capable de résister, avaient, au premier coup de canon qu'ils ouïrent, embarqué
leurs meilleurs effets, leur or et leur argent, et
s'étaient sauvés à Gibraltar, ne croyant pas que les aventuriers les poursuivraient jusque-là, ou s'imaginant, du m o i n s , qu'ils s'arrêteraient à piller ce qui restait dans la ville. Ce qui arriva; car l'Olonnais étant venu à Maracaïbo, et n'y trouvant que des magasins pleins de marchandises et des caves remplies de toutes sortes de vins, il s'amusa à faire bonne chère, lui et ses gens, et à aller en parti autour de la ville, où il ne fit pas grand butin. Il ne prit que quantité de pauvres gens qui n'avaient pas eu moyen de se sauver sur l'eau, et qui leur dirent que les riches étaient à Gibraltar. Il ne demeura que quinze jours à Maracaïbo; après q u o i , il résolut d'aller à Gibraltar. Il avait des prisonniers qui lui promettaient de l'y m e n e r ; mais ils l'avertirent que les Espagnols s'y seraient
fortifiés.
« N'importe, dit-il, la prise en sera meilleure. » Il y arriva trois jours après son départ de Maracaïbo. Il y a là un petit fort en façon de terrasse, sur lequel on peut mettre six pièces de front en batterie. Les Espagnols, outre cela, avaient fait des gabions le long du rivage, et, s'étant retranchés derrière, ils se moquaient des aventuriers, montraient seulement leurs pavillons de soie et tiraient du canon. Nonobstant tout cela, l'Olonnais mit son monde à terre, et chercha le moyen d'aller dans les bois pour surprendre les Espagnols par der-