Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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PRISE DE MARACAÏBO.

III

samment à l'île de la Tortue, ou à Bayaha à la bande nord de SaintDomingue. L'Olonnais avait choisi ce lieu pour donner carène à ses bâtiments, et les fournir de vivres, à cause de la commodité de la chasse aux sangliers et aux taureaux. En peu de j o u r s , il se vit fort de quatre cents h o m m e s , avec lesquels il s'en alla à Bayaha, où était le rendez-vous, attendre encore quelques aventuriers et ceux qui pourraient venir de la Tortue joindre sa flotte. Enfin, cette flotte, composée de cinq à six petits bâtiments, dont le plus grand était celui de l'Olonnais amiral, qui portait dix pièces de canon, mit à la voile et fit route pour doubler la pointe de l'Espada, autrement dite el Cabo-el-Engano, qui est la pointe orientale de l'île de Saint-Domingue.

La fortune donna dès ce m o m e n t à l'Olonnais

des

marques de ses faveurs : il semblait même qu'elle prît plaisir à l'assurer d'un heureux succès, en le rendant maître de deux bâtiments qu'il rencontra, dont l'un était richement chargé, et tous les deux plus grands qu'aucun des siens. Le plus grand, qui était chargé de cacao, fut envoyé à la Tortue pour y être déchargé et revenir au plus tôt à l'île de Saona où l'Olonnais l'attendait, et où il avait pris l'autre bâtiment chargé de munitions de guerre pour la ville de Saint-Domingue. M. d'Ogeron, qui gouvernait pour lors à la Tortue, fut ravi de voir cette riche prise, qui valait plus de cent quatre-vingt mille livres. Il offrit ses magasins

aux

aventuriers

pour

mettre

navire, qu'on nomma depuis la Cacaoyère,

la marchandise, et le

fut bientôt prêt à retourner

vers l'Olonnais. Un bon nombre de braves gens, nouvellement arrivés de France, voulurent être de la partie, et s'embarquèrent sur ce vaisseau, s imaginant qu'un seul voyage c o m m e celui-là les rendrait riches à jamais. M. d'Ogeron envoya même deux de ses neveux qui avaient fait leurs exercices en France, et qui promettaient beaucoup. Ce bâtiment si bien rempli de m o n d e fut bientôt auprès de l'Olonnais, qui était au comble de la joie de voir tant de belle jeunesse remplacer les quelques blessés qu'il avait renvoyés à la Tortue ; car les bâtiments espagnols ne s'étaient pas rendus sans bien disputer leur vie. L'Olonnais, avant de partir, fit revue de sa flotte, et résolut de décla-


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