Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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BARTHÉLEMY, LE PORTUGAIS.

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pria en sa faveur, mais inutilement ; o n se saisit de sa personne, et ne le croyant pas assez gardé dans la ville, parce qu'il était subtil, on l'envoya sur un navire, les fers aux pieds et aux mains. Il y demeura quelque temps sans savoir ce q u ' o n voulait faire de lui. Enfin quelques Espagnols lui dirent que le gouverneur avait résolu de le faire pendre. Ce qui l'effraya tellement, qu'il imigina tous les moyens possibles pour échapper. Il trouva le secret de rompre ses fers et prit deux jarres,

qu'on

nomme potiches, les boucha bien et les attacha avec deux cordes à ses côtés; de cette sorte, il se laissa doucement couler à l'eau, après avoir tué la sentinelle qui le gardait, et c o m m e la nuit était obscure, il eut le temps de nager jusqu'à terre, o ù , étant arrivé, il alla se cacher dans le bois. Il eut la prudence de ne pas marcher dès qu'il fut à terre, de peur d'être découvert ; au contraire, il remonta une rivière qui était bordée de halliers fort épais, et se cacha dans l'eau trois jours et trois nuits, afin que si on venait à le chasser avec des chiens, selon la coutume des Espagnols, il n'eût rien à craindre. Quand il se crut hors de danger, il alla un soir vers le bord de la mer et se mit en marche pour arriver au golfe de Triste, où toute l'année il se rencontre des aventuriers. Cependant, il en était à trente lieues, et il ne pouvait faire ce chemin par terre sans un grand péril. Outre les bêtes sauvages dont il pouvait être attaqué, il fallait passer à la nage plusieurs rivières pleines de crocodiles et de requins. Pour éviter la rencontre de ces monstres, lorsqu'il se présentait quelque rivière à traverser, il jetait auparavant quantité de pierres par terre ou dans l'eau, et de cette manière il les épouvantait. A moitié chemin, il fut obligé de faire cinq ou six lieues sur des arbres que l'on appelle mangles, sans mettre pied à terre. Enfin, il arriva au golfe de Triste, en douze j o u r s , pendant lesquels il ne mangea que des coquillages crus qu'il rencontrait sur le bord de la mer. Il fut encore assez heureux pour y trouver des aventuriers de sa connaissance, Français et Anglais, à qui il conta ce qui lui était arrivé, et leur proposa le moyen d'avoir un navire pour aller en course ; car ils n'avaient que des canots. Il leur dit qu'il fallait aller dix à douze h o m m e s dans un de leurs


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