Mimi : moeurs guadeloupéennes

Page 63

MIMI

59

Elle enrageait et prenait les hommes en profonde horreur. — S'ils sont tous comme ces d e u x là, disait-elle en proie à une colère sourde, ils ne v a l e n t certain e m e n t pas la peine que nous nous donnons pour leur plaire. Cependant, elle était dévorée d'une fringale d'aimer qui la j e t a i t parfois dans de grands accablem e n t s ; elle pleurait sans pouvoir s'avouer la cause de ses larmes ; elle restait des journées entière à se désoler, s'enfermant dans sa c h a m b r e sans voir personne, r é p o n d a n t b r u s q u e m e n t a u x questions qu'on lui adressait ou bien se j e t a n t t o u t à coup dans les bras d u vieux général, le d é v o r a n t de caresses, l ' é t o n n a n t par ces brusques c h a n g e m e n t s auxquels il ne comprenait pas le premier m o t . Thérèse finit p o u r t a n t par rencontrer celui d o n t elle rêvait : c'était A r m a n d . Celui-ci venait d'achever son droit à Paris. Il arrivait à Haïti plein d'idées généreuses, il voulait arracher son pays a u x mains des misérables qui l'exploitaient indignement, faire de la république haïtienne, une république athénienne, digne de ce nom. Il a v a i t été rendre visite au général Williams, ami de sa famille et qui a v a i t vu naître A r m a n d . Ils a v a i e n t causé l o n g u e m e n t ; le jeune h o m m e , d é v e l o p p a n t avec enthousiasme ses idées de gouvernement, le général l'écoutant avec un bon sourire a u x lèvres. Thérèse était là, qui écoutait aussi et a p p r o u v a i t d ' u n joli p e t i t m o u v e m e n t de la t ê t e . Les flammes qui s'allum a i e n t dans les yeux d ' A r m a n d , sa parole a r d e n t e , passionnée, son éloquence, la conviction qui l'ani-


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.