Mimi : moeurs guadeloupéennes

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MIMI

possible. Ces étranges théories d ' A r m a n d t r o u vaient des a d m i r a t e u r s . Mais ce n'est pas t o u t . Le jeune h o m m e répétait à qui voulait l'entendre que tout s o n être était pétri de fiel, d ' a m e r t u m e , de dég o û t ; que l'égoïsme engendrait la sérénité de son c œ u r ; qu'il a u r a i t voulu planer sur l'humanité et lui faire à la face ce q u e fit Gulliver pour éteindre l'incendie de Lilliput. A l'entrée d ' A r m a n d chez Mme Mathias, il y eut un m o u v e m e n t de curiosité, presque de coq u e t t e r i e , parmi toutes les jeunes filles assises aut o u r de la table. Elles se penchaient, écarquillaient les y e u x pour mieux voir celui qui faisait l'objet île toutes les conversations; elles s e parlaient à l'oreille, avec de petits hem ! hem ! connue si la poussière leur était entrée dans la gorge, agit a i e n t leurs éventails, se passaient la m a i n dans les cheveux, souriaient, désireuses de se faire rem a r q u e r d ' A r m a n d . Celui-ci ne prit pas garde à ce petit manège féminin, et s'assit à la place q u ' o n lui désigna. La lecture terminée, on pria A r m a n d de chanter. Il se fit un grand silence. J a m a i s , de mémoire de créole, on n ' a v a i t e n t e n d u une voix aussi agréable. Cette voix était j u s t e , veloutée, éolienne. Elle remuait les cœurs et les remplissait d'une indicible émotion. Mimi qui. jusqu'alors, avait tenu les yeux const a m m e n t baissés; Mimi, que les regards a d m i r a teurs qui s'attachaient sur elle intimidaient et faisaient rougir, p r é s u m a n t que l ' a t t e n t i o n d o n t elle é t a i t l'objet s'était reportée sur le c h a n t e u r , se


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