Journal de l'adjudant général Ramel

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— 80 — Nous communiquâmes notre dessein à

Marbois, à Laffon

et à Troncon-Ducoudray, qui ne voulurent point s'y asso-

cier; jamais ils ne se départirent de leur manière de voir, ils se reposoient sur leur innocence, comme si elle n'avoit pas été le premier motif de leur proscription : ils croyoient devoir à leur patrie, à leur famille, à eux-mêmes, d'attendre

jour on la nation demanderait justice. «Oui, disoit Marbois, qu'on nous fasse justice ; justice sévère. Qu'on nous appelle devant un tribunal queldans les déserts de Sinamary le

conque, qu'on nous juge, et dussions nous être immolés, que du moins notre défense soit entendue par nos commettants. »

Plus irrité par l'injustice, plus impatient de briser mes

de courir des dangers peut être moindres, plus grands en apparence, mais je ne pus m'empê-

fers, je préférois quoique

cher d'admirer cette constance et ce respectable aveuglement. Divers motifs nous engagèrent à borner notre confiance. Aucun autre déporté n'y fût admis, et le secret fût très bien gardé.

Le plan de cette évasion varia souvent, selon les moyens que chacun de nous imaginoit tour à tour : l'espoir nous

soutint jusqu'au moment de l'exécution, nous n'avions plus d'autre pensée, d'autre occupation. L'idée qui se présentoit le plus naturellement, étoit de se refugier chez les indiens,

et de tâcher de percer ensuite par l'intérieur du continent jusqu'aux

établissements

portugais : mais

nous

n'avions

point de guides, nous ne pouvions espérer d'en trouver,

qui connussent

l'idiôme et les usages de ces peuples, et qui

voulussent se bazarder a nous y conduire; nous savions que la nation des

calibis, la plus voisine des établissements

françois dans celle partie, avait concû pour eux une grande aversion, et que depuis qu'ils avoient apris l'assassinat du


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