Journal de l'adjudant général Ramel

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— 65 — mes camarades, qui tous étoient excédés: aucun

de nous

n'étoit assez rétabli des fatigues de la navigation, pour soutenir cette course: je crachois le sang depuis plusieurs jours. Nous arrivâmes devant le fort de Sinamary qu'on ne découvre en sortant des bois qu'à une portée de fusil. Ce fort construit en madriers et palissadé n'a aucun ouvrage extérieur, c'est un quarré d'environ cent toises, flanqué de quatre bastions et entouré d'un large fosse, dans le quel on a introduit les eaux de la rivière, de maniere que le fort se trouve isolé. En entrant dans cette forteresse, nous vimes trop bien qu'il ne nous restoit plus aucun espoir de jouir, même au milieu de ces déserts, d'une ombre de liberté. Le forfait etoit consommé. Il me reste à faire connoître le raffinement de cruauté avec le quel on a poursuivi dans cette prison les restes de notre malheureuse existence, l'infatigable rage des bourreaux, la patience et la confiance des victimes; les tourments de ceux de nos compagnons qui ont péri dans nos bras, et de ceux qui luttent encore contre une mort plus lente, mais inévitable. Enfin le miracle de notre évasion.

Quelque resserré qu'ait été le théâtre de ces horribles je dois d'abord le décrire. Les casernes pour la garnison, le logement du commandant, et quelques luttes pour les vivandiers, occupent la courtine, à droite, du côté de la rivière : la garnison étoit composée de quatre-vingts hommes, moitié de blancs et moitiéde nègres; c'étoit un détachement de l'ancien régiment d'Alsace, presqu'entièremen| renouvelé depuis son arrivée à la Guyane. scènes

Le long de la courtine opposée à celle du côté de la ière, est l'ancienne chapelle que les révolutionnaires blancs ont dévastée, et que les nègres respectent encore. riv

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