Journal de l'adjudant général Ramel

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de l'œil les conventionnels contre lesquels une vieille haine de parti l'animoit peut-être : « je ne vois, dit-il, qu'un petit nombre de coupables; plus je lis et médite mes dépêches, et moins je puis les comprendre », il interrompit deux fois les déclamations du capitaine la Porte. Pour lui parler de l'état affreux où nous étions : « n'est-il pas vrai, capitaine, que ces messieurs ont bien souffert? — Oui, répondit insolemment la Porte, oui, ils ont souffert, et si j'eusse exécuté mes ordres, je n'en eusse pas conduit un seul jusqu'ici. » Le lendemain 18 Novembre; on nous défendit de sortir de nos chambres, nous fumes gardes à vue; aucun prétexte, aucun besoin ne nous dispensoit de cette importune vigilance, il fut defendu aux habitants d'avoir désormais aucune communication avec nous, quelques uns bravèrent le danger de contrevenir à ces ordres rigoureux; d'autres nous firent parvenir des rafraîchissements. Un mulatresse nommée Marie Rose, femme d'environ quarante ans fort riche et respectée par toute la colonie à cause de sa piété, et de son humanité toujours active, se distingua par son généreux empressement à nous envoyer, à nous apporter elle même tout ce qu'elle savoit nous être nécessaire, ou qu'elle croyoit devoir nous être agréable. Elle étoit si souvent avec les bonnes sœurs de la charité que la defense de communiquer avec nous ne pouvoit l'atteindre; l'hôpital étoit l'habitation favorite de Marie Rose, et ses visites y furent d'autant plus frequentes que nous devenions plus, malheureux. Ce vif intérêt qu'elle prit à notre sort ne s'est jamais refroidi ; c'étoit à Pichegru qu'elle adressoit toujours ses petits dons, et il n'a jamais manqué de les partager avec ses compagnons d'infortune, comme aussi la reconnoissance que nous devons tous à celle excellente femme

Marbois, Troncon-Ducoudray et Murinais demandèrent


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