Journal de l'adjudant général Ramel

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—38 — vous donner; recevez ce qu'on vous donne, et estimez vous heureux que je n'exécute pas plus rigoureusement les ordres que j'ai reçus. Il est bien étonnant, que dans la posioù vous êtes, vous me parliés d'exiger l'exhibition de mes ordres. Je n'ai rien à vous communiquer. — Moi qui ai fait plusieurs voyages de long cours, répliqua Marbois, je dois vous prévenir que si vous nous tenés ainsi resserrés, privés de l'air extérieur et des précautions indispensables pour ne pas empoisonner nous mêmes celui que nous respirons, non seulement vous nous ferès périr en très peu de jours, mais vous mettrés la peste dans votre bâtiment et

perdrés votre équipage. — Eh! bien, dit le capiaine en se retirant, je verrai ce que je pourrai faire, quand nous aurons perdu de vue les côtes de France. » VOUS

A midi on nous apporta encore un biscuit pour chacun, et on mit au milieu de nous un baquet rempli de gourganes espèces de grosses fêves cuites à l'eau, sans le moindre assaisonnement. Ainsi fut reglée la ration, la seule nourriture qui nous ait été distribuée pendant tout le voyage. Deux mousses étoient chargés de cette distribution. Celui qui servoit nos compagnons se nommoit Aristide, c'étoit un fort joli et fort bon enfant; le nôtre au contraire étoit laid et méchant. Le caractere de ces enfants, les seuls individus qui pussent communiquer avec nous, importoit à noire sort.

Aristide eut beaucoup de part aux rares consolations que nous éprouvâmes..., ce bon petit Aristide ! Tel fut notre établissement sur ce cercueil flottant, qui nous arrachoit à la France et nous portoit sur une terre inconnue. A peine fûmes nous à la haute mer, que les vents devinrent contraires et la tempête si violente, que le capitaine fut obligé de relacher dans la rade de la Rochelle, où la corvette mouilla avant la nuit.


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