— 36 — On nous fit descendre dans l'entrepont. « Veut-on nous faire mourir de faim ? » s'écria le malheureux Dossonville,
souffrait le plus cruellement du manque d'aliments. « Non, non, Messieurs, » dit en riant celui d'entre nous, qui
un officier de la corvette (des Poyes, ancien officier de la marine royale) « on va vous servir à souper. » « Donnés moi seulement quelques fruits, » dit Marbois,
prèsqu'expirant.— Un instant après on nous jetta de dessus le pont deux pains de munition. Ce fut le souper promis et quelque frugal qu'il fut pour des malheureux qui n'avoient pas mangé
depuis quarante heures, nous l' avons souvent
regretté : ce fut la dernière fois qu'on nous donna du pain!
un batiment de guerre; le mouvement de l'équipage qui se préparait à appareiller, l'accueil du capitaine, l'humanité qui perçoit dans ses discours malgré la sévérité de sa contenance, et son ton ferme vis à vis de ses matelots, tout concourait à nous rassurer, à Cette dernière translation sur
nous persuader dumoins que nous n'étions pas destinés à
prochaine. — Quand tout à coup le capitaine Julien, qui l'instant d'auparavant s'entretenoit avec Guillet an bord de l'écoutille, descend dans l'entrepont suivi de quelques soldats armés. Il distribue des hamacs à onze seule ment d'entre nous qu'il appelle. Les quatre qui n'en reçurent point, furent Villot, Pichegru, Dossonville et moi. Nous nous trouvames séparés de nos compagnons par la garde qui suivoit le capitaine Julien, celui-ci nous ordonna de une mort
descendre
dans
la fosse aux lions,
en
nous
disant :
« pour vous quatre, Messieurs, voilà le logement qui vous est destiné. » Ce coup inattendu sembla frapper à la fois nos douze compagnons, qui ne voulant pas se séparer de nous, de-
être traités avec la même barbarie : TronconDucoudray, et Barbe-Marbois éclatèrent, insistèrent vivemandèrent à