Journal de l'adjudant général Ramel

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— 34 — escorte, ils répétaient faites les boire

à grands cris : « à bas les tyrans,

à la grande tasse ».

Tels furent pour nous les adieux de nos concitoyens. Un adjudant ou commissaire de marine nommé la Coste, dont

je crus reconnoître la figure balafrée, fit l'appel des déportés et nous reçut des mains du commandant de l'escorte : Guillet.

A mesure que nous descendions de dessus les charrettes, le commissaire; la Coste nous faisoit passer dans un canot. Il trouva Mr. de Marbois dans un si mauvais état qu'il se refusa d'abord a le faire embarquer, assurant qu'il étoit mourant et ne pourroit supporter deux jours de navigation. Guillet se mit en fureur, menaça la Coste de le faire arrêter, jura qu'il le dénonceroit et le feroit destituer. Marbois fut porté dans le canot ; Guillet s'embarqua lui même avec nous. On nous mena

à bord d'un bâtiment à deux mats qui étoit mouillé vers le milieu de la rivière. C'étoit le Brillant, petit corsaire pris sur les Anglois; quelques soldats de fort mauvaise mine nous firent descendre assez rudement dans l'entrepont; nous poussèrent et nous entassèrent vers l'avant du bâtiment, où nous étions presque étouffés par la fumée de la cuisine. Nous souffrions de faim cl de soif; nous n'avions ni mangé ni bu depuis trente-six heures. On apporta au milieu de nous, un seau d'eau, et on jetta à coté avec le geste du dernier mépris, deux pains de munition; mais il nous fut im-

position très gênée, ou nous étions; les sentinelles qui nous resserraient de plus en plus tenoient d'horribles propos. Pichegru avant relevé l'insolence du soldai place au milieu de nous : « tu feras bien de te taire », répondit-il au général, « lu n'es pas encore sorti de nos mains ». C'étoit un enfant de quinze possible de manger a cause de la fumée et de la

a seize ans.


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