Journal de l'adjudant général Ramel

Page 23

— 15 — m'eut fait recevoir l'ordre de repousser la violence par les armes; j'avois fait former le cercle à mes officiers pour leur communiquer l'ordre d'Augerau, presque tous approuvèrent ma conduite; ce fût l'instant, que prirent quelques factieux pour éclater. Le capitaine Tartel s'écria, nous ne sommes pas des Suisses. Le lieutenant Ménéguin osa se vanter d'avoir le plus contribué à la révolte des gardes françaises. Le souslieutenant Lavaux dit : «je me suis battu, et j'ai été blessé le 13 vendémiaire en combattant contre Louis XVIII, je ne veux pas aujourd'hui me battre pour lui. » L'adjudant major Rabbe cria tout haut, « les conseils travaillent pour le roi, ce sont des gueux à exterminer. » Pendant ces discours et les disputes qu'ils occasionnoient entre les officiers le désordre commença à gagner dans les rangs. Le chef de brigade Blanchard, qui commandoit sous moi, et qui depuis deux mois n'avoit osé se montrer parce que j'avois mis à découvert ses intrigues, ses liaisions avec des hommes de sang, et ses rapines dans l'administration du corps1, parut tout à I. Il suffira d'un seul trait pour faire connoitre l'exacte

à

probité de Blanchard,

l'époque de l'émission des mandats, le ministre de la guerre Petiet avait

accordé au corps des grénadiers, une somme de six mille livres. Ce papier perdoit dans ce moment 60 p.ct., ce qui donnoit une somme réelle de L. 2400. M. Blanchard capitaine d'habillement reçut cet argent et n'en rendit aucun

compte

au conseil d'administration: lorsque je vins prendre le commandement des grénadiers (c'est à dire huit mois après et que les mandats perdoient 99p. ct.) ce M. Blanchard se trouvoit encore possesseur de la somme de L. 6000 mandats, Dans les premiers jours de mon commandement, les officiers de tout grade, les sous officiers et les grénadiers m'accablèrent de plaintes sur les infidélités et les bassesses de ce Blanchard, qui de Capitaine d'habillement, venait d'etre promu au grade de Chef de Brigade. Je restai longtemps sans vouloir croire qu'un officier fut capable de tant d'infamie, Je croyois que la haine que le corps de grénadiers portoit a ce Blanchard ne provenait que de l'indignation qu'exitoient ses liaisons avec tous les coupe-jarets de Paris, les conventionnels connus pas leur crime et leurs vols, et enfin de ce qu'il avait été pendant la terreur le secrétaire intime de Robespierre et son espion favori... il fallut céder, l'Histoire des mandats me frappa, Je ne vis que trop que M.Blan-


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.