Journal de l'adjudant général Ramel

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— 121 — notre sort, et de celui de son brave Barrick, il satisfit ensuite à notre empressement à peu près en ces termes : « On reçut, nous dit-il, à Cayenne le 5 juin la nouvelle de votre évasion, la joie fut universelle, et si vivement manifestée, que Jeannet n'osa pas heurter l'opinion publique, et répondit aux habitants qui lui en parlèrent, que ne sontils tous

partis? on m'avait laissé libre sur ma parole dans la

ville de Cayenne, aucun soupçon ne m'avoit encore atteint. « Le 6 juin la frégate la Décade arriva de France. Elle portoit 193 déportés; Jeannet reçut ses paquets, rien ne transpira de leur contenu, on apprit seulement que plusieurs déportés présents, des écrivains, journalistes et des prêtres étoient à bord; la consternation succéda à la joie qu'avoit causé votre fuite. Vers les 9 heures du soir, Jeannet me lit prier de venir prendre le thé chez lui; il avoit, disoit-il, des objets relatifs au commerce à me communiquer. Comme dans l'audience qu'il m'avoit donné à mon arrivée de Sinamary, il m'avoit paru blâmer les agressions injustes du Directoire contre les Américains, et qu'il m'avoit assuré que c'était à regret qu'il exécutoit de tels ordres, et plus encore les ordres barbares relatifs à votre détention, je me rendis cette fois chez lui avec confiance, il redoubla de politesse et quand nous fumes tête à tète il me dit : « Vous scavez les nouvelles de France, la tyrannie est à son comble, voilà encore des malheureux déportés que le Directoire envoye, à peine 8 des premiers sont-ils échappés que 193 les remplacent. Je ne veux pas être plus longtems le geolier, et le bourreau de mes concitoyens, pour soutenir l'impunité de ces cinq brigands, je suis décidé à abandonner la colonie. Je vais achetter votre brick, et je vous le rendrai à Philadelphie, si vous voulez vous charger de m'y transporter.


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