Journal de l'adjudant général Ramel

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souffrîmes beaucoup de la chaleur pendant la journée du quatre, cependant la brise étoit bonne; nous rangions la cote, et quand la nuit nous en déroba la vue, nous nous estimions déjà par le travers de l'embouchure de la Nous

rivière de Marowni, dont les deux rives forment les limites

françoises et hollandoises, et n'est guères qu'à 40 lieues au veut du poste de Monte-Krick ; a onze heures du soir au lever de la lune, nous n'apperçumes dans le mouvement des eaux rien qui nous annonça l'embouchure d'une grande rivière. Le cinq nous ne fûmes pas plus heureux; nous poursuivîmes notre route jusque à la nuit, sans avoir connoissance de la rivière ni du fort de Marowni, nous étions vraisemblablement encore un peu au vent et en decà de la rivière d'Amaribo partie de la cote qui se relève vers le nord ouest, et ne permet pas de découvrir fort au loin. Le 6 un calme plat nous surprit, une faim cruelle nous tourmentoit, nous n'avions rien mangé depuis trois jours, nous étions dessechés par le soleil, dont l'ardeur n'étoit plus temperée par la brise, n'étant plus distraits par le mouvement, ni soutenu par l'espoir prochain d'atteindre le but de notre fatiguante navigation, nous vimes toute l'horreur de notre situation, nous cherchions à relever notre courage, nous n'avions plus rien à attendre des secours humains, plus rien de nos efforts trompés par les éléments. C'est dans ce jour de désespoir que nous nous excitâmes mutuellement à sacrifier nos justes ressentimens, à ne pas nous laisser entraîner par la vengeance; nous jurames respectives des possessions

qui

devant Dieu de ne jamais porter les armes contre notre

patrie, nous nous résignâmes à la volonté de la Providence. Le lendemain 7 Juin, quatrième jour de notre navigation, le vent s'éleva et fraichit un peu vers huit heures du matin,


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