Voyage à Cayenne dans les deux Amériques et chez les anthropophages.Tome second

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( 280 ) point une chimère à ses yeux. Qu'on le suppose dans l'aisance , le miel pour lui se change en absinthe; il défeuille les roses par ses larmes; la table la plus somptueuse n'est chargée que de poisons ; il dit à ce qu'il voit, à ce qu'il touche , à l'air qu'il respire , à la feuille qui grandit, à la fleur qui éclôt, aux fruits qui mûrissent , aux troupeaux qui paissent, aux agneaux qui bondissent : vous n'êtes point la France Il dit aux forêts, aux échos, aux montagnes , aux vallons , aux gazons, •aux ruisseaux : votre ombrage est moins frais, votre voix moins douce , votre cime moins belle, votre site moins riant, votre tapis moins lisse , votre murmure moins doux, votre roucoulement moins tendre qu'en France. Un déporté est l'habitant d'Othayti dans le Jardin des Plantes de Paris, flairant sa patrie dans ce qui l'environne, s'élançant au pied d'un palmier de son pays, qu'il arrose de pleurs: Othayti ! Othayti ! mais tu n'es pas Othayti, dit-ilen s'éloignant. Un déporté frappé de cette sentence terrible : retire-toi de ta patrie , s'écrie sans cesse : voilà l'enfer voilà l'enfer !.... je le sens le voilà , ce brasier, il brûle mon cœur, il le dévore et ne le consume


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