Voyage à Cayenne dans les deux Amériques et chez les anthropophages.Tome second

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( 256 ) quelle heure il est, je ne vois aucun danger, car tout l'est autour de moi. O prévoyance humaine, que je serois malheureux, si tu ne m'avois pas abandonné ! Je m'éveille en sursaut, au bruit d'un reptile énorme qui rôde autour de mon antre ; je m'élance pour sortir : une grosse couleuvre d'eau , que j'avois prise pour un tronc d'arbre, étouffoit en se repliant un cerf qui étoit venu se désaltérer; je reste spectateur involontaire, craignant que l'animal ne quitte sa proie pour s'élancer sur moi. Cette couleuvre, plus grosse que le corps d'un homme, entrelace sa proie, la traîne sur l'herbe, l'entoure de plusieurs replis, lui brise les os, s'alonge encore, la serre de nouveau ; tout le corps est brisé comme un morceau de viande presque baveux sous les coups d'un lourd marteau ; elle s'élargit en se raccourcissant, tourne sa proie qu'elle alonge, la couvre d'une bave grisàtre , l'avale et s'endort. Je n'ai plus de peine à croire ce que disent à ce sujet Valmont de Bomare, Pluche et Buffon. Si Eglano et sa petite sœur étoient près d'ici, auroient-elles eu autant de bonheur que moi ?.... Je sors enfin, j'appelle , une voix se fait entendre.

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