Voyage à Cayenne dans les deux Amériques et chez les anthropophages.Tome premier

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hurloient dans le fond des grands bois leurs cyniques amours. Un parc est auprès de nous. J'étois à la fenêtre de notre grenier; une tigresse martelée, suivie de ses deux petits, rôde autour de la case ; ses yeux brillent comme des diamans, elle regarde à ses côtés si sa progéniture la suit. Rien n'est plus beau que cet animal, quand il marche sans crainte, agitant sa queue et guettant sa proie; l'ombre des feuilles l'inquiète : elle se couche et s'élance sur une génisse qui n'est pas rentrée au parc : lui ouvrir le crâne, l'égorger, l'emporter, est pour elle le tems d'un clin-d'œil. Le vacher se réveille; elle est à cent pas dans les palmistes, avant qu'il ait ouvert sa loge. Tout le village se réveille, prend des armes, on suit la bête aux traces de ses pattes et du sang. Elle est à deux portées de fusil ; elle a mangé la ventrêche de sa proie , et enterré le reste sous des branches de moukaya , pour y revenir demain, dans la matinée. Les chasseurs laissent la proie et se mettent à l'affût. Je reviens à la case; Givry, contre son ordinaire, dormoit d'un profond sommeil. Je l'appelle, il est sourd. La lampe n'étoit pas allumée; j'approche, je le touche; son hamac étoit tout


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