Voyage à Cayenne dans les deux Amériques et chez les anthropophages.Tome premier

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d'une épingle bien pointue, m'assujétit le pied sur son genou, me coupe les ongles jusques dans la chair vive, y cerne une fosse ronde de la largeur d'une lentille, d'où elle tire un sac

blanc. J'apperçois un insecte de la grosseur d'une pointe d'aiguille ; le sac est la maison que l'animal s'est bâtie entre cuir et chair; ii est plein d'œufs qui échappent à nos yeux , ce qui me feroit croire que Mallesieux avec un bon microscope a pu voir des milliers d'animaux sur la pointe d'une aiguille. La démangeaison que j'éprouvois étoit occasionnée par la trompe incisive de ce petit animal. Son extraction me fit beaucoup de mal, c'est l'amusette des créoles, mon pied en étoit couvert ; la négresse fut plus d'une demi-heure à m'arracher ces piquans de cendre appelles chiques et niques. Elle frotta mes pieds sanglans avec de l'huile amère de Carapa. Cet incident nous remit sur la question de la colonie de 1763. « Nos créoles, » reprit le vieillard , vous caresseront ainsi jus» qu'à ce que vous soyez acclimaté; ayez soin » de visiter vos pieds tous les jours ; sans cette » précaution, au bout d'un certain tems, ces » insectes engendreroient des vers , et la gan» grène suivroit. Ce fléau a moissonné une


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