Voyage à Cayenne dans les deux Amériques et chez les anthropophages.Tome premier

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reproche notre indolence. L'état, , dira-t-il, leur avance des instrumens aratoires, leur concède un sol vierge , ils n'ont qu'à travailler ; leur condition est préférable à la mienne. Je n'ai que dix journaux de terre que j'ensemence moi-même, et dont je ne demande que le produit net pour être heureux. Au lieu de ronces, si j'avois les arbres de la Guyane, je les déracinerois ou je les brùlerois. Les vapeurs homicides de cette terre vierge tuent l'homme qui l'ouvre sans précaution. Les arbres qui l'ombragent, plantés par les siècles, sont quatre ou cinq fois plus gros que nos sapins: il faut les échafauder pour les couper à certaine distance du tronc, car le pied est trop étendu pour qu'on songe à le déraciner. Un homme seul dans ces forêts, ne trouverait pas le temps de né loyer un coin de champ , que l'autre extrémité seroit déjà couverte de

broussailles plus épaisses que nos bois taillis, tant la végétation a de force. Songer à brûler les forêts, sans les couper, est une pensée folle; d'ailleurs, l'incendie découvrant le terrein, y feroit circuler l'air, et les arbustes naissans en foule au pied des troncs à-demi enflammés, ne laisseroient que peu d'espace à la culture.


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